21 Leçons – 3ème partie

Enseignements tirés de ma chute dans le terrier du lapin Bitcoin

Gigi
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21 Lessons
21 Ways
Nostr Resources

Publié en 2019 

Traduction :    Antho

Podcast - 3ème Partie

3ème partie - technologie

« Cette fois-ci, je vais m'y prendre un peu mieux » se dit-elle, et elle commença par s'emparer de la petite clé d'or et par ouvrir la porte qui donnait sur le jardin.

Des clés d’or, des horloges qui ne fonctionnent qu’au hasard, des courses pour résoudre d’étranges énigmes et des bâtisseurs anonymes et sans visages. On dirait des contes de fée tirés du pays des merveilles mais c’est pourtant la routine dans l’univers Bitcoin.

Comme nous l’avons vu dans le Chapitre II, des pans entiers du système financier actuel sont systématiquement défaillants. À la manière d’Alice, nous ne pouvons qu’espérer faire mieux cette fois-ci. Pourtant, grâce à un inventeur pseudonyme, nous disposons dorénavant d’une technologie incroyablement sophistiquée pour nous aider : Bitcoin.

Résoudre des problèmes dans un environnement radicalement décentralisé et hostile demande des solutions uniques. Des problèmes habituellement triviaux à résoudre n’ont rien de trivial dans cet étrange monde fait de nœuds. Pour la plupart de ses solutions, Bitcoin repose sur une cryptographie solide, tout du moins du point de vue de la technologie. Nous verrons dans une des leçons qui suivent à quel point cette cryptographie est solide. Bitcoin se sert de la cryptographie pour se détacher de la confiance dans les autorités. Au lieu d’être tributaire d’institutions centralisées, le système s’appuie sur l’autorité ultime de notre univers : la physique. Cependant, il reste tout de même quelques traces de confiance. Nous examinerons ces traces dans la seconde leçon de ce chapitre.

Partie III – Technologie :

15. La force dans les nombres
16. Remarques sur « Ne vous fiez pas, vérifiez »
17. Donner l’heure demande du travail
18. Avancer lentement sans rien casser
19. La vie privée n’est pas morte
20. Les cypherpunks écrivent du code
21. Métaphores pour le futur de Bitcoin

Les leçons suivantes traitent de l’éthique du développement technologique de Bitcoin, un aspect potentiellement aussi important que la technologie elle-même. Bitcoin, ce n’est pas la prochaine appli à la mode sur votre téléphone. C’est la base d’une nouvelle réalité économique, ce qui explique qu’il devrait être considéré comme un logiciel financier de qualité nucléaire.

Où en sommes-nous de cette révolution financière, sociétale et technologique ? Les réseaux et technologies du passé peuvent figurer des métaphores au futur de Bitcoin, que nous aborderons dans la toute dernière leçon de ce chapitre.

Une dernière fois, attachez vos ceintures et profitez de la descente. Comme toutes les technologies exponentielles, nous allons devenir paraboliques.

15. La force dans les nombres

« Voyons un peu : quatre fois cinq font douze, quatre fois six font treize, et quatre fois sept font. . . Oh ! mon Dieu ! jamais je n'arriverai jusqu'à vingt à cette allure ! »

Les nombres sont indispensables à notre vie quotidienne. Les grands nombres, en revanche, sont peu familiers à la plupart d’entre nous. Les plus grands nombres que l’on rencontrera généralement au jour le jour seront de l’ordre des millions, des milliards voire des billions 1. On pourra par exemple parler de millions de gens dans la misère, de milliards de dollars dépensés à renflouer les banques ou encore de billions de dette publique. Malgré la difficulté à se représenter ce genre de gros titres, nous sommes relativement à l’aise avec l’ordre de grandeur de ces nombres.

Même si nous sommes familiers avec les milliards et les billions, notre intuition fait déjà défaut face à leur grandeur. Avez-vous une idée du temps qu’il faut pour qu’un million, milliard ou billion de secondes ne s’écoulent ? Si vous êtes comme moi, vous êtes perdu si vous ne faites pas les calculs.

Creusons cet exemple : la différence entre chacun des  nombres suivants représente trois ordres de grandeur 106, 109, 1012 . Ce n’est pas très utile de penser en secondes, alors transformons-les afin de pouvoir les appréhender :

  • 106 : Un million de secondes représentent la dernière semaine et demie.
  • 109 : Un milliard de secondes représentent les 32 dernières années.
  • 1012: Il y a un billion de secondes, Manhattan était couverte d’une épaisse couche de glace2.

Figure 15.1. – Il y a environ 1 billion de secondes. Source : xkcd n°1225

Au moment où nous entrons dans les échelles astronomiques de la cryptographie moderne, notre instinct échoue dans les grandes largeurs. Bitcoin est bâti autour des grands nombres et de l’impossibilité virtuelle à les deviner. Ces nombres sont bien, bien plus grands que ceux qu’on peut rencontrer au quotidien.

Plus grands de beaucoup d’ordres de grandeur. Il est indispensable d’appréhender à quel point ces nombres sont réellement grands pour pouvoir comprendre Bitcoin dans son ensemble. Prenons comme exemple concret SHA-256 3, l’une des fonctions de hachage 4 utilisée par Bitcoin. Il est naturel de se dire que 256 bits ne sont que « deux cent cinquante-six », ce qui n’est pas du tout un grand nombre. Pourtant, le nombre dans SHA-256 représente des ordres de grandeur- une chose pour laquelle nos cerveaux ne sont pas équipés.

Bien que le nombre de bits soit une métrique appropriée, le vrai sens d’une sécurité 256-bit se perd dans l’interprétation. À l’image des millions (106) et des milliards (109) ci-dessus, le nombre dans SHA-256 parle d’ordres de grandeur (2256). Mais alors à quel point SHA-256 est-il solide, au juste ?

« SHA-256 est très solide. Ce n'est pas incrémental comme passer de MD5 à SHA1. Ça pourrait prendre plusieurs décennies avant une attaque massive révolutionnaire. »

Appelons un chat un chat. 2256 représente ce nombre :

115 duodecilliards 792 duodecillions 89 undecilliards
237 undecillions 316 decilliards 195 decillions
423 nonilliards 570 nonillions 985 octilliards 8 octillions
687 septilliards 907 septillions 853 sextilliards
269 sextillions 984 quintilliards 665 quintillions 640
quadrilliards 564 quadrillions 39 trilliards 457 trillions
584 billiards 7 billions 913 milliards 129 millions
639 mille 936.

Ça fait un paquet de quintillions ! Se faire une idée de ce nombre est somme toute impossible. Il n’existe rien dans l’univers physique à quoi le comparer. Ça représente bien plus que le nombre d’atomes de l’univers observable. Le cerveau humain n’est tout simplement pas fait pour le comprendre.

Figure 15.2. – Illustration de la sécurité dans SHA-256. Schéma original de Grant Sanderson alias 3Blue1Brown.

On trouve l’une des meilleures représentations de la vraie force de SHA-256 dans une vidéo de Grant Sanderson. Judicieusement nommée « À quel point la sécurité 256-bit est-elle sûre ? » 6, elle montre parfaitement l’immensité d’un espace de cette taille. Rendez-vous service et prenez cinq minutes pour la regarder. Comme toutes les vidéos de 3Blue1Brown celle-ci est tout autant fascinante qu’exceptionnellement bien faite. Mais attention : vous pourriez bien tomber dans un terrier de lapin mathématique.

Bruce Schneier [65] s’est servi des limites physiques de l’informatique afin de relativiser ce nombre : même si nous parvenions à construire un ordinateur optimal, qui utiliserait sans perte l’énergie fournie pour manipuler les bits [87], que nous construisions une sphère de Dyson 7 autour du Soleil et que nous les laissions tourner pendant 100 milliards de milliards d’années, nous n’aurions que 25% de chances de trouver une aiguille dans une botte de 256 bits.

« Ces nombres n'ont rien à voir avec la technologie des appareils ; ce sont les maximums autorisés par la thermodynamique. Et ils suggèrent fortement que les attaques par force brute contre des clés de 256 bits ne seront pas envisageables avant que les ordinateurs ne soient faits d'autre chose que la matière et occupent autre chose que l'espace. »

On ne peut surestimer la profondeur de ces mots. Une cryptographie solide renverse l’équilibre des pouvoirs du monde physique auquel nous sommes habitués. Dans notre réalité, les choses incassables n’existent pas. Si vous y mettez assez de force, vous pourrez ouvrir n’importe quelle porte, boîte ou coffre au trésor.

Le coffre au trésor de Bitcoin est très différent. Il est protégé par une cryptographie solide, qui ne laisse pas la place à la force brute. Tant que les hypothèses mathématiques sous-jacentes s’appliqueront, nous n’aurons que cette force brute à notre disposition. Bon, d’accord, il y a aussi l’option d’une attaque globale à la clé à molette à 5$ (Figure 15.3). Mais la torture ne fonctionnera pas pour toutes les adresses bitcoin et les remparts cryptographiques de bitcoin mettront en échec les attaques par force brute. Même si vous attaquez avec la puissance d’un millier d’étoiles. Littéralement.

Ce fait et ses répercussions ont été résumés de façon bouleversante dans l’appel aux armes cryptographiques : « Aucune force coercitive ne résoudra jamais un problème de maths. »

Figure 15.3. – Attaque à la clé à molette à 5$. Source : xkcd n°538

« Ça n'avait rien d'évident, que le monde finirait par fonctionner comme ça. Mais d'une façon ou d'une autre, l'univers sourit au chiffrement. »

Personne ne sait encore avec certitude si le sourire de l’univers est authentique. Il est possible que notre hypothèse des asymétries mathématiques soit fausse et que nous découvrions qu’en réalité P est égal à NP [95] ou que nous trouvions étonnamment rapidement une solution à des problèmes spécifiques [79] que nous estimons actuellement complexes. Si cela devait arriver, la cryptographie telle que nous la connaissons disparaîtrait et les conséquences changeraient sans doute radicalement la face du monde.

« Vires in Numeris » = « Les forces dans les nombres » 10

Vires in numeris n’est pas qu’un slogan accrocheur pour les bitcoiners. La prise de conscience d’une force inimaginable présente dans les nombres est intense. En faire l’expérience et comprendre l’inversion dans l’équilibre des pouvoirs existants qui en découle a changé ma façon de voir le monde et l’avenir qui nous attend.

Figure 15.4. – Exemples de courbes elliptiques. Crédit schéma CC-BY-SA Emmanuel Boutet.

Un effet direct de cela, c’est que vous n’avez pas à demander la permission à quiconque pour participer à Bitcoin. Il n’y a pas de page d’inscription, pas d’entreprise qui en est responsable, pas d’agence publique à qui envoyer les formulaires. Générez simplement un grand nombre et vous êtes à peu près paré à y aller. L’autorité centrale sur la création des comptes, ce sont les mathématiques. Et Dieu seul sait qui en est responsable.

Bitcoin est bâti sur notre meilleure compréhension de la réalité. Certes, il reste bien des problèmes non-résolus en physique, en informatique et en mathématiques, mais il y a des choses dont nous sommes plutôt sûrs. Qu’il y ait une asymétrie entre trouver des solutions et valider la justesse de ces solutions en est une. Que les calculs requièrent de l’énergie en est une autre. En d’autres termes : trouver une aiguille dans une botte de foin est plus difficile que de vérifier si le truc pointu dans votre main est bien une aiguille. Et trouver l’aiguille prend du temps.

L’immensité de l’espace d’adressage de Bitcoin est vraiment ahurissante. Le nombre de clés privées l’est encore plus. C’est fascinant de se rendre compte à quel point notre monde moderne se résume à l’improbabilité de trouver une aiguille dans une botte de foin incommensurable. J’en suis conscient plus que jamais, dorénavant.

Bitcoin m'a appris que les nombres renfermaient de la puissance.

Notes :
1. NdT : billion est la traduction de l’anglais trillion.
2. Un billion de secondes (1012) représentent les 31710 dernières années. Le Dernier Maximum Glaciaire a eu lieu il y a 33, 000 ans. [88]
3. SHA-256 fait partie de la famille des fonctions de hachage cryptographique SHA-2 développée par la NSA. [97]
4. Bitcoin utilise SHA-256 dans son algorithme de hachage de bloc. [12]
5. Satoshi Nakamoto, dans une réponse aux questions sur les collisions SHA-256. [54]
6. Regardez la vidéo sur https://youtu.be/S9JGmA5_unY
7. Une sphère de Dyson est une mégastructure hypothétique qui entoure totalement une étoile et capture un grand pourcentage de son énergie. [81]
8. Bruce Schneier, Cryptographie appliquée [64]

9. Julian Assange, Un appel aux armes cryptographiques [5]
10. Vires in Numeris à été proposé comme devise de Bitcoin pour la première fois par l’utilisateur de bitcointalk epii [25]

16. Remarques sur « Ne vous fiez pas, vérifiez »

« Préparez-vous à entendre les témoignages, » dit le Roi, « et ensuite la sentence »

Bitcoin cherche à remplacer, ou tout du moins fournir une alternative aux monnaies conventionnelles. Ces monnaies sont liées à une autorité centrale, peu importe que l’on parle d’un cours légal comme le dollar américain ou des V-Bucks de Fortnite. Dans les deux cas, vous êtes tenus de faire confiance à une autorité centrale pour émettre, gérer et faire circuler votre argent. Bitcoin rompt ce lien et résout cette préoccupation principale : la question de la confiance.

« Le problème fondamental des monnaies traditionnelles, c'est toute la confiance nécessaire à son fonctionnement. [...] Ce dont nous avons besoin, c'est d'un système de paiement électronique basé sur la preuve cryptographique au lieu de la confiance »

Bitcoin remédie au problème de la confiance en étant totalement décentralisé, sans serveur central ni parties de confiance. Pas seulement sans tierces parties de confiance, mais sans parties de confiance tout court. Quand il n’y a pas d’autorité centrale, il n’y a personne à qui faire confiance, tout simplement. L’innovation c’est la décentralisation totale. C’est la source de la ténacité de Bitcoin, la raison pour laquelle il est toujours en vie.

C’est aussi ce qui explique pourquoi nous avons du minage, des noeuds, des portefeuilles physiques et oui, la blockchain. La seule chose à laquelle vous devez faire « confiance », c’est le fait que notre connaissance des mathématiques et de la physique n’est pas totalement à côté de la plaque et que la majorité des mineurs sont honnêtes (et ils sont incités à l’être).

Tandis que le monde normal part du postulat « fiez vous, mais vérifiez », Bitcoin se fonde sur le postulat « ne vous fiez pas, vérifiez ». Satoshi a très clairement insisté sur l’importance de se passer de la confiance à la fois dans l’introduction et la conclusion du livre blanc de Bitcoin.

« Conclusion : nous avons proposé un système de transactions électroniques se passant de confiance »

Notez que se passant de confiance est utilisé dans un contexte très particulier. Nous parlons des tierces parties de confiance, c’est-à-dire d’autres entités à qui vous vous fiez pour produire, détenir et traiter votre argent. On partira par exemple du principe que vous pouvez faire confiance à votre ordinateur.

Figure 16.1. – Extraits de l’article de Ken Thompson
‘Remarques sur la confiance envers la confiance’

Comme Ken Thompson l’a montré dans sa conférence au Turing Award, la confiance est une chose extrêmement délicate en informatique. Quand vous lancez un programme, vous devez vous fier à toutes sortes de logiciels (et de matériels) qui, en théorie, pourraient modifier ce programme par malveillance. Pour citer Thompson dans Remarques sur la confiance envers la confiance : « La morale est évidente. Vous ne pouvez pas faire confiance à du code que vous n’avez pas entièrement écrit. » [70]

Thompson a démontré que même si vous avez accès au code source, votre compilateur – ou tout autre programme ou matériel d’exécution – pourrait être corrompu et que la détection de cette porte dérobée serait très délicate. Par conséquent, en pratique, un système sans aucun besoin de confiance n’existe pas. Pour ça vous auriez à créer tous vos logiciels (assembleurs, compilateurs, éditeurs de liens, etc.) et tout votre matériel de bout en bout, sans l’aide d’un quelconque logiciel externe ou machine programmable.

Figure 16.2. – Chevaux de Troie matériels furtifs de niveau
dopant par Becker, Regazzoni, Paar, Burleson

«Si vous voulez faire une tarte aux pommes à partir de rien, vous devez d'abord inventer l'univers. »

Le piratage de Ken Thompson consiste en une porte dérobée particulièrement astucieuse et difficile à détecter, qui fonctionne sans modifier aucun logiciel. Des chercheurs ont trouvé le moyen de corrompre du matériel critique à la sécurité en manipulant la polarité des impuretés dans le silicium. [9] Ils ont alors été capables de compromettre un générateur cryptographique de nombres aléatoires, juste en modifiant les propriétés physiques du truc dont sont faites les puces électroniques. Et puisque cette modification est invisible, la porte dérobée est indétectable à la vérification optique, l’un des mécanismes de détection de sabotage les plus utilisés pour ce genre de puces.

Ça vous fait peur ? Eh bien, même si vous étiez capable de tout fabriquer et programmer à partir de rien, vous devriez quand même faire confiance aux mathématiques sous-jacentes. Il vous faudrait être convaincu que secp256k1 est une courbe elliptique sans porte dérobée. Oui, des portes dérobées malveillantes peuvent être insérées dans les fondations mathématiques des fonctions cryptographiques et c’est vraisemblablement déjà arrivé au moins une fois. [80] Il y a de quoi être paranoïaque pour de bonnes raisons et le fait que tout, depuis votre matériel, en passant par vos logiciels, jusqu’aux courbes elliptiques que l’on utilise, peut receler une porte dérobée [82] en fait partie.

« Ne vous fiez pas. Vérifiez. »

Les exemples ci-dessus ont pour but d’illustrer que l’informatique sans confiance est utopique. Bitcoin est sans doute le seul système qui effleure cette utopie et pourtant, il est à confiance réduite – visant à l’éliminer partout où c’est possible. On peut soutenir que la chaîne de confiance est infinie, puisque vous devrez également vous convaincre que les calculs demandent de l’énergie, que P n’est pas égal à NP et que vous vivez bien dans la réalité et pas dans une simulation orchestrée par des acteurs malveillants.

Des développeurs travaillent sur des outils et des procédures cherchant à minimiser encore plus toute confiance restante. Par exemple, les développeurs de Bitcoin ont créé Gitian 4, qui est une méthode de diffusion de logiciels permettant de faire des compilations déterministes. L’idée, c’est que les chances de manipulation malveillante sont réduites lorsque plusieurs développeurs parviennent à reproduire des exécutables identiques. Mais les portes dérobées imaginaires ne sont pas le seul vecteur d’attaque. Un simple chantage ou de l’extorsion sont des menaces bien réelles. Comme dans le protocole principal, la décentralisation sert à réduire la confiance nécessaire.

Figure 16.3. – Qui était là le premier, l’œuf ou la poule ?

Divers efforts sont déployés afin de résoudre le problème de l’amorçage, similaire à celui de l’œuf et de la poule, brillamment mis en évidence par le piratage de Ken Thompson [20]. Guix 5 (à prononcer geeks), qui utilise une gestion de paquets fonctionnellement déclarés et permet dès la conception une compilation reproductible bit à bit, est un de ces efforts. Il en résulte que vous n’avez plus à faire confiance aux serveurs qui vous fournissent les logiciels, puisque vous pouvez vérifier par vous-même que l’exécutable fourni est intact en le recompilant de zéro. Une pull request a récemment été fusionnée afin d’intégrer Guix dans le procédé de compilation de Bitcoin. 6

Par chance, Bitcoin ne se repose pas sur un seul algorithme ou une seule sorte de matériel. Une conséquence de la décentralisation radicale de Bitcoin, c’est un modèle de sécurité distribué. Bien que les portes dérobées précédemment décrites doivent être prises au sérieux, il est improbable que chaque portefeuille logiciel, chaque portefeuille matériel, chaque bibliothèque de fonctions cryptographiques, chaque implémentation de nœud et chaque compilateur de chaque langage soient compromis. C’est possible, mais très hautement improbable.

Notez par ailleurs que vous pouvez très bien générer une clé privée sans même vous servir d’un quelconque logiciel ou matériel. Vous pouvez tirer un certain nombre de fois à pile ou face [4], mais selon votre style de lancer cette source d’aléatoire ne le sera peut-être pas assez. Ce n’est pas pour rien que des protocoles
de stockage comme Glacier 7 recommandent d’utiliser un dé de qualité casino comme une des deux sources d’entropie.

J’ai été forcé par Bitcoin à réfléchir à ce qu’implique réellement de ne se fier à personne. Il m’a sensibilisé au problème de l’amorçage et de la chaîne de confiance implicite dans le développement et l’exécution des programmes. Il m’a fait également prendre conscience des multiples manières de compromettre un logiciel ou un matériel.

Bitcoin m'a appris à ne pas me fier, mais à vérifier.

Notes :
1. Satoshi Nakamoto, annonce ocielle de Bitcoin [51] et livre blanc [48]
2. Satoshi Nakamoto, livre blanc de Bitcoin [48]
3. Carl Sagan, Cosmos [63]
4. https://gitian.org/
5. https://guix.gnu.org
6. Voir la PR 15277 de bitcoin-core : https://github.com/bitcoin/bitcoin/pull/15277
7. https://glacierprotocol.org/

17. Donner l'heure demande du travail

« Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! Je vais être en retard ! »

On dit souvent qu’on mine des bitcoins parce que des milliers d’ordinateurs travaillent à résoudre des problèmes mathématiques très complexes. Des problèmes doivent être résolus et si vous calculez la bonne réponse, vous « produisez » un bitcoin.

Bien que cette vision simplifiée du minage de bitcoin soit plus facile à exprimer, elle passe un peu à côté du sujet. Les bitcoins ne sont pas produits ou créés et toute la difficulté ne consiste pas réellement à résoudre certains problèmes de maths. En plus, les maths en question ne sont pas particulièrement complexes. Ce qui l’est, c’est de donner l’heure dans un système décentralisé.

Comme le démontre le livre blanc, le système de preuve de travail (alias le minage) est une manière d’implémenter un serveur d’horodatage distribué.

Au début, lorsque j’étudiais le fonctionnement de Bitcoin, j’ai moi aussi pensé que la preuve de travail était inefficace et générait du gaspillage. Au bout d’un moment, j’ai commencé à changer de point de vue sur la consommation d’énergie de Bitcoin [29]. Il semblerait qu’aujourd’hui, en l’an 10 ap. B (après Bitcoin), la preuve de travail soit toujours largement incomprise.

Figure 17.1. – Extraits du livre blanc. Ai-je entendu « timechain » ?

Beaucoup de gens semblent croire que c’est un travail inutile, puisque les problèmes à résoudre par la preuve de travail sont inventés. Si l’on se focalise uniquement sur les calculs, c’est compréhensible d’arriver à cette conclusion. Mais Bitcoin n’est pas une question de calculs. C’est une question de s’accorder indépendamment sur l’ordre des choses.

La preuve de travail est un système dans lequel chacun peut valider ce qui s’est passé et dans quel ordre. Cette validation indépendante est la source du consensus, un accord unique entre de multiples parties à propos de qui possède quoi.

Dans un environnement radicalement décentralisé, nous ne possédons pas le luxe du temps absolu. Toute horloge aurait pour effet d’introduire une tierce partie, un point central du système qui pourrait être attaqué et sur lequel il faudrait se reposer.

« La mesure du temps est le problème fondamental », comme le souligne Grisha Trubetskoy [72]. Et Satoshi a brillamment résolu ce problème en proposant l’implémentation d’une horloge décentralisée via une chaîne de blocs par preuve de travail. Chacun accepte préalablement que la source de vérité provient de la chaîne avec le plus de travail cumulé. C’est littéralement ce qui s’est passé. Cette entente est dorénavant connue sous le nom de consensus de Nakamoto.

« Le réseau horodate les transactions en les hachant en une chaîne continue de preuves de travail [...] (qui) sert de preuve par témoignage de la séquence des événements »

Sans moyen constant pour donner l’heure, il n’existe pas de manière cohérente de distinguer l’avant de l’après. Un ordre fiable est impossible. Comme nous l’avons vu, le consensus de Nakamoto est le chemin qu’a pris Bitcoin pour donner l’heure continuellement. La structure incitative du système produit une horloge probabiliste et décentralisée en se servant à la fois de la cupidité et de l’intérêt personnel des participants qui se concurrencent. L’imprécision de cette horloge n’a aucune importance car à la fin, l’ordre des événements est indiscutable et chacun peut le vérifier.

Grâce à la preuve de travail, la décentralisation radicale touche à la fois le travail et la vérification du travail. Chacun peut rejoindre et quitter le réseau à volonté et chacun peut vérifier tout, tout le temps. Non seulement ça, mais chacun peut vérifier l’état du système personnellement, sans devoir se fier à quiconque.

Ça prend du temps de comprendre la preuve de travail. C’est bien souvent contre-intuitif et malgré les règles simples, ça donne lieu à des phénomènes plutôt complexes. Personnellement, me focaliser sur le minage m’a aidé. C’est utile, pas inutile. La vérification, pas les calculs. C’est du temps, pas des blocs.

Bitcoin m'a appris que c'était délicat de donner l'heure, surtout quand on est décentralisé.

Notes :
1. Satoshi Nakamoto, livre blanc de Bitcoin [48]

18. Avancer lentement sans rien casser

Aussi la barque serpentait-elle doucement, sous le brillant jour d'été, avec son joyeux équipage et sa musique de voix et d'éclats de rire. . .

J’enfonce peut-être des portes ouvertes, mais le monde de la tech fonctionne toujours aujourd’hui en « avançant vite et en cassant des trucs ». L’idée de ne pas s’efforcer à réussir du premier coup est une des bases de la mentalité échoue tôt, échoue souvent. Le succès se mesure à la croissance, donc tant que vous grandissez, tout ira bien. Si quelque chose ne fonctionne pas comme prévu vous n’avez qu’à pivoter et itérer. En d’autres termes : si vous jetez assez de merde contre le mur, vous verrez bien ce qui colle.

Bitcoin est très différent. Il l’est dès sa conception. Il est différent par besoin. Satoshi l’a dit lui-même, les monnaies électroniques ont été tentées à de nombreuses reprises et tous ces essais ont échoué car il y avait une tête à faire tomber. L’innovation de Bitcoin, c’est d’être un animal sans tête.

« Beaucoup de gens refusent par réflexe l'idée des monnaies électroniques à cause de toutes les entreprises qui ont échoué dans les années 90. J'espère qu'il est clair que c'est la nature du contrôle centralisé de ces systèmes qui a causé leur perte. »

Une des conséquences de cette décentralisation radicale est la résistance inhérente au changement. « Avancer vite en cassant des trucs » ne fonctionne et ne fonctionnera jamais sur la couche de base de Bitcoin. Même si on le voulait, ce ne serait pas possible sans convaincre tout le monde de changer sa façon de faire. Voilà ce qu’est le consensus distribué. Voilà la nature de Bitcoin.

« La nature de Bitcoin est telle qu'une fois sortie la version 0.1, les concepts essentiels étaient gravés dans le marbre pour le restant de ses jours. »

C’est l’une des nombreuses propriétés paradoxales de Bitcoin. Nous avons tous fini par croire que tout logiciel peut facilement être modifié. Mais la nature de cet animal rend tout changement sacrément difficile.

Comme Hasu l’écrit élégamment dans Décortiquer le contrat social de Bitcoin [32], on ne peut changer ses règles qu’en proposant un changement et par conséquent en convainquant tous les utilisateurs de Bitcoin de l’adopter. Bien qu’il soit un logiciel, cela rend Bitcoin très résilient au changement.

Cette résilience est l’un des attributs de Bitcoin les plus importants. Les systèmes logiciels critiques se doivent d’être antifragile, ce qui est garanti par l’interaction entre les couches sociales et techniques de Bitcoin. Les systèmes monétaires sont agressifs par nature et nous le savons depuis des milliers d’années, un environnement agressif requiert des fondations solides.

« La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison : elle n'est point tombée, parce qu'elle était fondée sur le roc. »

Vraisemblablement, dans cette parabole des bâtisseurs sages et sots, Bitcoin n’est pas la maison. C’est le roc. Invariable, stable, apportant le socle d’un nouveau système financier. À l’image des géologues qui savent que les formations rocheuses évoluent et sont toujours en mouvement, on peut s’apercevoir que Bitcoin bouge et évolue. Il faut juste savoir où et comment regarder. L’introduction du pay to script hash 3 et de segregated witness 4 sont la preuve que les règles de Bitcoin peuvent être changées tant qu’il y assez d’utilisateurs convaincus que ce changement bénéficie au réseau. SegWit a permis le développement du réseau Lightning 5 qui est l’une des maisons en construction sur le socle solide de Bitcoin. Des mises à jour futures comme les signatures de Schnorr [59] amélioreront l’efficacité et la confidentialité, ainsi que les scripts (comprendre : contrats intelligents) qui seront indiscernables des transactions classiques grâce à Taproot [31]. Les sages bâtisseurs construisent bel et bien sur des fondations solides. Satoshi n’était pas seulement un sage bâtisseur de technologie. Il comprenait aussi la nécessité de prendre de sages décisions idéologiques.

« Être open source veut dire que quiconque peut personnellement vérifier le code. Si les sources étaient privées, personne ne pourrait vérifier la sécurité. Je pense qu'un programme de cette nature doit obligatoirement être open source. »

L’ouverture est primordiale à la sécurité et inhérente à l’open source et au mouvement du logiciel libre. Comme Satoshi le faisait remarquer, les protocoles sécurisés et le code qui les implémente doivent être ouverts – l’obscurité ne procure aucune sécurité. Encore une fois, un autre avantage est lié à la décentralisation : du code qui peut être exécuté, lu, modifié, copié et distribué librement garantit sa diffusion rapide et étendue.

La nature radicalement décentralisée de Bitcoin est ce qui lui permet de se déplacer lentement et sciemment. Un réseau de nœuds, détenus par des individus souverains, est intrinsèquement résistant au changement – malveillant ou pas. Sans possibilité de forcer des mises à jour, la seule façon d’introduire des modifications est de convaincre lentement chacun des participants de l’adopter. Ce procédé décentralisé de proposer et de déployer les changements est ce qui rend le réseau extraordinairement résilient face aux modifications malveillantes. C’est aussi ce qui rend les réparations plus complexes que dans un environnement centralisé et qui explique que tout le monde cherche avant tout à ne rien casser.

Bitcoin m'a appris qu'avancer lentement était une fonctionnalité, pas un bug.

Notes :
1. Satoshi Nakamoto, dans une réponse à Sepp Hasslberger [52]
2. Satoshi Nakamoto, dans une réponse à Gavin Andresen [52]
3. Les transactions Pay to Script Hash (P2SH) ont été normalisées dans le BIP16. Elles permettent aux transactions d’être envoyées à un hash de script (adresse commençant par 3) au lieu d’un hash d’adresse publique (adresse commençant par 1). [15]
4. Segregated Witness (abrégé en SegWit) est une mise à jour implémentée du protocole qui vise à fournir une protection envers la plasticité des transactions et à élargir la taille des blocs. SegWit sépare le témoin (witness en anglais) de la liste des entrées. [16]
5. https://lightning.network/
6. Satoshi Nakamoto, dans une réponse à SmokeTooMuch [53]

19. La vie privée n'est pas morte

Les joueurs jouaient tous en même temps sans attendre leur tour ; ils se disputaient sans arrêt et s'arrachaient les hérissons. Au bout d'un moment, la Reine, entrant dans une furieuse colère, parcourut le terrain en tapant du pied et en criant : « Qu'on lui coupe la tête ! Qu'on lui coupe la tête ! » à peu près une fois par minute.

À en croire les experts, la vie privée est morte depuis les années 80 1. L’invention pseudonyme de Bitcoin et d’autres événements de l’histoire récente montrent que ce n’est pas vrai. La vie privée est vivante, bien qu’il ne soit pas facile d’échapper à cet état de surveillance. Satoshi a pris d’infinies précautions afin de se couvrir et de dissimuler son identité. Dix ans plus tard, personne ne peut dire si Satoshi Nakamoto était une personne ou un groupe, un homme, une femme ou un intelligence artificielle venue du futur pour s’auto-amorcer afin de régner sur le monde. Théories complotistes mises à part, Satoshi a choisi de s’identifier à un homme japonais, c’est pourquoi je ne présume de rien en respectant son choix de genre et en le désignant par il. Quelle que soit sa vraie identité, Satoshi a réussi à la cacher. Il a créé un précédent encourageant pour tous ceux qui désirent rester anonymes : c’est possible d’avoir une vie privée en ligne.

Figure 19.1. – Je ne suis pas Dorian Nakamoto.

« Le chiffrement fonctionne. Les systèmes crypto robustes et correctement implémentés sont l'une des rares choses sur lesquelles vous pouvez compter. »

Satoshi n’est pas le premier inventeur pseudonyme ou anonyme et ne sera pas le dernier. Certains ont directement repris son style de publication pseudonyme, comme Tom Elvis Jedusor, connu pour MimbleWimble [71], quand d’autres ont publié des preuves mathématiques avancées en restant totalement anonymes [3]. C’est un nouveau monde étrange que nous habitons. Un monde où l’identité est facultative, où les contributions sont acceptées sur la base du mérite et où les gens peuvent collaborer et négocier librement. Il faudra quelques ajustements pour être à l’aise avec ces nouveaux paradigmes, mais je crois fermement que tout ceci a le potentiel pour rendre le monde meilleur. Chacun d’entre nous devrait se souvenir que la vie privée est un droit humain fondamental 3. Tant que le peuple exercera et défendra ces droits, la bataille pour la vie privée sera loin d’être achevée.

Bitcoin m'a appris que la vie privée n'était pas morte.

Notes :
1. https://bit.ly/privacy-is-dead

20. Les cypherpunks écrivent du code

« Je vois bien que vous essayez d'inventer quelque chose ! »

Comme beaucoup de grandes idées, Bitcoin n’est pas sorti de nulle part. Il a vu le jour en utilisant et en combinant beaucoup d’innovations et de découvertes en mathématiques, en physique, en informatique et dans d’autres domaines. Satoshi est sans conteste un génie mais il n’aurait pas pu inventer Bitcoin sans se tenir sur des épaules de géants.

« Celui qui simplement souhaite et espère n'intervient pas activement dans le cours des événements ni dans le profil de sa destinée. »

L’un de ces géants, c’est Eric Hughes, un des fondateurs du mouvement cypherpunk et auteur du Manifeste d’un Cypherpunk. Ça paraît difficile d’imaginer que Satoshi n’ait pas été influencé par ce manifeste. Il parle de tellement de choses que Bitcoin permet et utilise, telles que les transactions privées directes, l’argent électronique et liquide, les systèmes anonymes et la protection de la vie privée par la cryptographie et les signatures numériques.

« La confidentialité est nécessaire pour une société ouverte à l'ère électronique. [...] Puisque nous désirons la confidentialité, nous devons nous assurer que chaque partie à une transaction n'a connaissance que de ce qui est directement nécessaire à cette transaction. [...] Par conséquent, la vie privée dans une société ouverte nécessite des systèmes de transaction anonymes. Jusqu'à présent, l'argent liquide a été le principal système de ce type. Un système de transaction anonyme n'est pas un système de transaction secret. [...] Nous les Cypherpunks sommes dédiés à la construction de systèmes anonymes. Nous défendons notre vie privée avec la cryptographie, avec des systèmes de transfert de courrier anonyme, avec des signatures numériques et avec de la monnaie électronique. Les Cypherpunks écrivent du code. »

Les Cypherpunks ne trouvent pas de réconfort dans les espoirs et les vœux. Ils s’immiscent activement dans le cours des événements et forgent leur propre destinée. Les Cypherpunks écrivent du code. Et donc, en fidèle cypherpunk, Satoshi s’est assis et s’est mis à coder. Du code parti d’une idée abstraite pour prouver au monde qu’elle pouvait marcher. Du code semant la graine d’une nouvelle réalité économique. Grâce au code, chacun peut vérifier que ce système novateur fonctionne vraiment et qu’à peu près toutes les 10 minutes, Bitcoin prouve au monde qu’il est encore vivant. Afin de s’assurer que son invention ne resterait pas du domaine du rêve, Satoshi a écrit le code de son idée avant d’écrire le livre blanc. Il a aussi pris soin de ne pas retarder 3 chaque version indéfiniment. Après tout, « il y aura toujours autre chose à faire ».

Figure 20.1. – Extraits du code de la version 0.1 de Bitcoin

« J'ai dû écrire tout le code avant d'être convaincu que je pouvais résoudre chaque problème, puis j'ai écrit le livre blanc. »

Dans ce monde aux promesses infinies et au déroulement douteux, la mise en pratique d’un développement dévoué manquait cruellement. Soyez volontaires, persuadez-vous d’être capable de résoudre les problèmes et implémentez les solutions. On devrait tous essayer d’être un peu plus cypherpunk.

Bitcoin m'a appris que les cypherpunks écrivaient du code.

Notes :
1. Ludwig von Mises, L’Action Humaine [74]
2. Eric Hughes, Manifeste d’un Cypherpunk [37]
3. « Nous ne devrions pas reporter indéfiniment tant que chaque fonction n’est pas terminée. » – Satoshi Nakamoto [55]
4. Satoshi Nakamoto, dans Re : Bitcoin P2P e-cash paper [49]

21. Métaphores pour le futur de Bitcoin

« Je sais qu'il arrive toujours quelque chose d'intéressant. . . »

Au cours des deux dernières décennies, il est devenu évident que l’innovation technologique ne suivait pas une courbe linéaire. Que vous croyiez ou pas à la singularité technologique, le progrès est indéniablement exponentiel dans de nombreux domaines. En plus de ça, le taux d’adoption des technologies s’accélère et sans vous en rendre compte, le buisson de la cour d’école du coin a disparu car vos enfants utilisent Snapchat à la place. Les courbes exponentielles ont cette tendance à vous exploser au visage bien avant que vous ne l’ayez vu venir. Bitcoin est une technologie exponentielle reposant sur d’autres technologies exponentielles. Our World in Data 1 montre admirablement la vitesse croissante de l’adoption technologique à partir de 1903 avec l’arrivée des lignes téléphoniques (voir la Figure 21.1). Les lignes téléphoniques, l’électricité, les ordinateurs, Internet, les smartphones ; tous observent des tendances exponentielles en termes de qualité-prix et d’adoption. C’est pareil pour Bitcoin [22]. Bitcoin possède de multiples effets de réseau 2 découlant tous de configurations de croissance exponentielle dans leurs propres domaines : le prix, les usagers, la sécurité, les développeurs, la part de marché et l’adoption comme monnaie globale.

Figure 21.1. – Bitcoin est littéralement hors-normes.

En ayant survécu à ses premiers pas, Bitcoin continue de grandir chaque jour dans plus d’un aspect. D’accord, sa technologie n’est pas encore mature. Il est sans doute en pleine adolescence.

Mais si la technologie est exponentielle, passer de l’ombre à l’omniprésence sera un court chemin. Dans sa conférence TED de 2003, Jeff Bezos a choisi l’électricité comme métaphore au futur du web 3. Ces trois phénomènes – l’électricité, Internet, Bitcoin – sont des technologies habilitantes, des réseaux qui facilitent autre chose. Ce sont des infrastructures fondamentales, qui permettent de bâtir.

Ça fait un moment que nous côtoyons l’électricité. On la prend pour acquise. Internet est un peu plus jeune mais la plupart des gens le prennent aussi pour acquis. Bitcoin a dix ans et n’a pénétré les consciences que durant le dernier cycle d’engouement.

Figure 21.2. – Le téléphone mobile, env. 1965 contre 2019.

Seuls les pionniers le prennent pour acquis. Plus le temps passera, plus les gens verront Bitcoin comme une chose banale 4.

En 1994, Internet était encore déroutant et contre-intuitif. Il suffit de regarder ce vieil enregistrement du Today Show 5 pour voir qu’à l’évidence, ce qui nous paraît naturel et intuitif aujourd’hui ne l’était en fait pas à l’époque. Pour la plupart, Bitcoin reste encore déroutant et étrange, mais tout comme Internet est une seconde nature pour les natifs du numérique, dépenser et accumuler des sats 6 le sera pour les natifs du Bitcoin dans le futur.

« Le futur est déjà là - il n'est simplement pas réparti équitablement. »

En 1995, environ 15% des adultes américains utilisaient Internet. Les données historiques du centre de recherches Pew [27] montrent à quel point Internet s’est immiscé dans nos vies. Selon un sondage client de Kaspersky Lab [40], 13% des personnes interrogées se sont servi de Bitcoin ou de ses clones pour payer un bien en 2018. Bien que les paiements ne soient pas l’unique cas d’usage de Bitcoin, cela donne une idée d’où nous en sommes en temps Internet : dans la première moitié des années 90.

Figure 21.3. – Internet, 1982 vs. 2005. Source : CC-BY Merit
Network, Inc. et Barrett Lyon, Opte Project

En 1997, Jeff Bezos écrivait à ses actionnaires [11] « c’est le premier jour d’Internet », pressentant son gigantesque potentiel inexploité et, par extension, celui de son entreprise. Peu importe à quel jour se trouve Bitcoin, seul l’observateur inattentif ne voit pas clairement les immenses volumes de potentiel inexploité. Le premier nœud Bitcoin fut mis en ligne en 2009 après que Satoshi mina le bloc de genèse 8 et libéra le logiciel dans la nature. Son nœud ne fut pas seul très longtemps. Hal Finney fut l’un des premiers à accrocher à l’idée et à rejoindre le réseau. Dix ans plus tard, au moment où j’écris ceci, il y a plus de 75000 nœuds qui exécutent bitcoin.

Figure 21.4. – Hal Finney est l’auteur du premier tweet à
mentionner bitcoin en janvier 2009.

La couche de base du protocole n’est pas la seule à croître de façon exponentielle. Le réseau Lightning, une technologie de seconde couche, grandit encore plus vite.

En janvier 2018, le réseau Lightning était composé de 40 nœuds et 60 canaux [103]. En avril 2019, le réseau s’était étendu à plus de 4000 nœuds et environ 40000 canaux. N’oubliez pas que ça reste une technologie expérimentale où la perte de fonds peut arriver et arrive parfois. Malgré ça, la tendance est limpide : des milliers de personnes téméraires sont enthousiastes à l’idée de s’en servir.

Figure 21.5. – Le réseau Lightning, janvier 2018 vs. décembre
2018. Source : Jameson Lopp

À mon sens, ayant vécu l’essor météorique du web, les analogies entre Internet et Bitcoin sont évidentes. Ce sont tous deux des réseaux, des technologies exponentielles et tous deux amènent de nouvelles possibilités, de nouvelles industries, de nouveaux comportements. L’électricité est la meilleure métaphore pour comprendre la direction que prend Internet, il est donc possible qu’Internet soit la meilleure métaphore pour comprendre la direction que prend Bitcoin. Ou alors, pour reprendre les mots d’Andreas Antonopoulos, Bitcoin est l’Internet de l’argent. Ces métaphores sont un très bon rappel d’une Histoire qui ne se répète pas mais qui rime souvent.

Les technologies exponentielles sont difficiles à appréhender et sont souvent sous-estimées. Même si je m’intéresse beaucoup à celles-ci, je suis sans cesse surpris de l’allure du progrès et de l’innovation. Observer la croissance de l’écosystème Bitcoin, ça ressemble à observer l’essor d’Internet, mais en accéléré. C’est grisant.

Ma quête de sens envers Bitcoin m’a mené plus d’une fois sur les chemins de l’Histoire. La compréhension des anciennes structures sociétales, des monnaies du passé et de comment les réseaux de communication ont évolué ont toutes fait partie du voyage. Du biface au smartphone, la technologie a sans nul doute changé notre monde à de nombreuses reprises. Les technologies de réseaux ont un caractère particulier de transformation : l’écriture, les routes, l’électricité, Internet. Toutes ont changé le monde. Bitcoin a changé le mien et continuera de transformer les esprits et les cœurs de ceux qui osent l’approcher.

Bitcoin m'a appris que la compréhension du passé était nécessaire à la compréhension de son futur. Un futur qui ne fait que commencer. . .

Notes :
1. https://ourworldindata.org/
2. Trace Mayer, Les sept effets de réseau de Bitcoin [43]
3. http://bit.ly/bezos-web
4. Ceci est connu sous le nom d’effet Lindy. L’effet Lindy est la théorie selon laquelle l’espérance de vie future d’une chose non périssable est proportionnelle à son âge actuel, impliquant une espérance de vie restante plus longue à chaque fois qu’elle survit à une période de temps. [89]
5. https://youtu.be/UlJku_CSyNg
6. https://twitter.com/hashtag/stackingsats
7. William Gibson, La science dans la science-fiction [28]
8. Le bloc de genèse est le premier bloc de la chaîne de blocs Bitcoin. Les versions modernes de Bitcoin le numérotent 0, alors que les anciennes versions le comptent comme le bloc 1. Le bloc de genèse est habituellement codé en dur dans les applications qui se servent de la chaîne de blocs de Bitcoin. C’est un cas particulier car il ne référence pas de bloc précédent et produit une récompense non-dépensable. Le paramètre coinbase contient, entres autres données normales, le texte suivant : « The Times 03/Jan/2009 Chancellor on brink of second bailout for banks »  [14]

considérations finales

Conclusion

« Commencez au commencement » dit le Roi d'un ton grave, « et continuez jusqu'à ce que vous arriviez à la fin ; ensuite, arrêtez vous. »

Comme je le disais en introduction, je pense que la réponse à la question Qu’avez-vous appris de Bitcoin ? sera toujours incomplète. La symbiose de ce qu’on pourrait appeler de multiples systèmes vivants – Bitcoin, la technosphère et l’économie – est trop entremêlée, les sujets sont trop nombreux et les choses avancent trop vite pour être entièrement comprises par une seule personne.

Même sans le comprendre dans son entièreté et même avec toutes ses excentricités et ses défauts apparents, Bitcoin fonctionne indéniablement. Il continue à produire des blocs à peu près toutes les dix minutes d’une manière admirable. Plus Bitcoin continuera de fonctionner, plus les gens seront enclins à l’utiliser.

« C'est vrai que les choses sont belles lorsqu'elles fonctionnent. L'art est fonctionnel. »

Bitcoin est un enfant d’Internet. Sa croissance est exponentielle, gommant les frontières entre les disciplines. Par exemple, l’endroit où finit le royaume purement technologique et où en commence un autre n’est pas clairement établi. Bitcoin a effectivement besoin d’ordinateurs pour fonctionner mais l’informatique
ne suffit pas à le comprendre. Non seulement, par ses rouages, Bitcoin ne connaît pas de frontières, mais il n’est pas non plus cloisonné académiquement.

L’économie, la politique, la théorie des jeux, l’histoire monétaire, la théorie des réseaux, la finance, la cryptographie, la théorie de l’information, la censure, la loi et les régulations, les organisations humaines, la psychologie – tout ceci avec bien d’autres champs d’expertise qui pourraient faire avancer la quête de la connaissance de Bitcoin et de son fonctionnement.

Aucune invention n’est seule responsable de son succès. C’est la combinaison de multiples éléments auparavant sans lien qui, collés ensemble par l’incitation de la théorie des jeux, constituent la révolution qu’est Bitcoin. Ce qui fait de Satoshi un génie c’est le sublime mariage de nombreuses disciplines.

Comme tout système complexe, Bitcoin doit faire des compromis en termes d’efficacité, de coût, de sécurité et de bien d’autres aspects. Tout comme il n’y a pas de solution parfaite à la quadrature du cercle, toute solution aux problèmes qu’entend résoudre Bitcoin sera toujours imparfaite.

« Je ne crois pas que nous pourrons avoir à nouveau une bonne monnaie avant que nous ne la retirions des mains du gouvernement, je veux dire, nous ne pouvons pas la retirer violemment de leur contrôle, tout ce que nous pouvons faire sera de manière rusée et détournée, introduire quelque chose qu'ils ne pourront arrêter. »

Bitcoin est la manière rusée et détournée de réintroduire une bonne monnaie dans notre monde. Il le fait en plaçant un individu souverain derrière chaque nœud, tout comme De Vinci tentait de résoudre l’inextricable quadrature du cercle en plaçant l’Homme de Vitruve en son centre. Les nœuds retirent en effet tout concept de centre, créant un système incroyablement anti-fragile et extrêmement difficile à stopper. Bitcoin est vivant et son cœur battra probablement plus longtemps que les nôtres.

J’espère que vous avez apprécié ces vingt et une leçons. La leçon la plus importante est peut-être que Bitcoin mérite une approche holistique, sous plusieurs angles, si l’on souhaite en dresser un tableau le moins inachevé possible. De la même façon que l’on détruit un système complexe en retirant un de ses éléments, examiner individuellement chaque partie de Bitcoin semble en gâcher la compréhension. Si une seule personne efface « blockchain » de son vocabulaire et le remplace par « une chaîne de blocs », je pourrai mourir tranquille.

Quoi qu’il en soit, mon voyage n’est pas terminé. J’ai l’intention de m’aventurer encore plus profondément dans le terrier du lapin et je vous invite à me suivre sur le chemin 11.

Notes :
9. Giannina Braschi, L’Empire des rêves [18]
10. Friedrich Hayek sur la politique monétaire, l’étalon-or, les décits,
l’inflation et John Maynard Keynes https://youtu.be/EYhEDxFwFRU
11. https://twitter.com/dergigi

Remerciements

Je remercie les innombrables auteurs et créateurs de contenu qui ont influencé ma pensée sur Bitcoin et les sujets qu’il touche. Il y en a beaucoup trop pour tous les citer, mais je vais faire de mon mieux pour les nommer.

  • Merci à Arjun Balaji pour le tweet qui m’a motivé à écrire ceci.
  • Merci à Marty Bent d’avoir sans cesse fourni des éléments de réflexion et de l’amusement. Si vous ne suivez pas Marty Bent et ses Tales From The Crypt, vous ratez quelque chose. Bravo Matt et Marty de nous guider dans le terrier du lapin.
  • Merci à Michael Goldstein et Pierre Rochard d’extraire et de fournir la meilleure littérature sur Bitcoin grâce au Nakamoto Institute. Et merci d’avoir créé le podcast Noded qui a grandement inuencé ma vision philosophique de Bitcoin.
  • Merci à Saifedean Ammous pour ses convictions, ses tweets sauvages et pour avoir écrit L’Étalon Bitcoin
  • Merci à Francis Pouliot de partager son enthousiasme et d’avoir découvert les mentions de la timechain.
  • Merci à Andreas M. Antonopoulos pour tout le contenu éducatif qu’il a créé année après année.
  • Merci à Peter McCormack pour ses tweets honnêtes et le podcast What Bitcoin Did, qui continue encore à donner de bonnes perspectives des nombreux secteurs de l’écosystème.
  • Merci à Jannik, Brandon, Matt, Camilo, Daniel, Michael, et Raphael d’avoir donné votre retour sur les ébauches de certaines leçons. Un merci tout particulier à Jannik qui a relu de multiples ébauches à de nombreuses reprises.
  • Merci à Dhruv Bansal et Matt Odell d’avoir pris le temps de discuter de certaines de ces idées avec moi.
  • Merci à Guy Swann d’avoir enregistré une version audio de 21lessons.com.
  • Merci au Frère Hass pour son soutien moral et ses conseils et pour avoir pris le temps d’écrire l’avant-propos de ce livre.
  • Merci à ma femme de m’avoir enduré, moi et ma nature obsessionnelle.
  • Merci à ma famille de me supporter à la fois pendant les bons et les mauvais moments.
  • Enfin, mais non des moindres, merci à tous les maximalistes Bitcoin, à tous les minimalistes des shitcoins, les porte-paroles, les bots et les shitposters qui vivent dans ce jardin magnifique qu’est Bitcoin Twitter.

Enfin, merci à vous d’avoir lu ceci. J’espère que ça vous a plu autant que j’ai aimé l’écrire.

Bibliographie

[1] Saifedean Ammous. The Bitcoin Standard : The Decentralized Alternative to Central Banking. Wiley, 2017.
[2] Saifedean Ammous. Presentation on the bitcoin standard. https://www.bayernlb.de/internet/media/de/ir/downloads_1/bayernlb_research/sonderpublikationen_1/bitcoin_munich_may_28.pdf, May 2018.
[3] Anonymous 4chan Poster, Robin Houston, Jay Pantone, and Vince Vatter. A lower bound on the length of the shortest superpattern. October 2018.
[4] Andreas M Antonopoulos. Mastering Bitcoin : Programming the Open Blockchain.  » O’Reilly Media, Inc. », 2014.
[5] Julian Assange. Cypherpunks : Freedom and the future of the internet – introduction : A call to cryptographic arms. https://cryptome.org/2012/12/assange-crypto-arms.htm, December 2012.
[6] United Nations General Assembly. The universal declaration of human rights, December 1948.
[7] Beautyon. Why america can’t regulate bitcoin. https://hackernoon.com/why-america-cant-regulate-bitcoin-8c77cee8d794, March 2018.
[8] Beautyon. Bitcoin is. and that is enough. https://hackernoon.com/bitcoin-is-and-that-is-enough-e3116870eed1, October 2019.
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[10] Marty Bent. Tales from the crypt – a podcast about bitcoin. https://tftc.io/tales-from-the-crypt/, 2017.
[11] Jeff Bezos. To our shareholders. http://media.corporate-ir.net/media_files/irol/97/97664/reports/Shareholderletter97.pdf, 1997.
[12] Bitcoin Wiki contributors. Block hashing algorithm – Bitcoin Wiki. https://en.bitcoin.it/w/index.php?title=Block_hashing_algorithm&oldid=66452, 2019.
[13] Bitcoin Wiki contributors. Controlled supply – Bitcoin Wiki. https://en.bitcoin.it/w/index.php?title=Controlled_supply&oldid=66483, 2019.
[14] Bitcoin Wiki contributors. Genesis block – Bitcoin Wiki. https://en.bitcoin.it/w/index.php?title=Segregated_Witness&oldid=66902, 2019.
[15] Bitcoin Wiki contributors. Pay to script hash – Bitcoin Wiki. https://en.bitcoin.it/w/index.php?title=Pay_to_script_hash&oldid=64705, 2019.
[16] Bitcoin Wiki contributors. Segregated witness – Bitcoin Wiki. https://en.bitcoin.it/w/index.php?title=Segregated_Witness&oldid=66902, 2019.
[17] Godfrey Bloom. Why the whole banking system is a scam. https://youtu.be/hYzX3YZoMrs, May 2013.
[18] Giannina Braschi. Empire of Dreams. AmazonCrossing, 2011.
[19] Nic Carter. Bitcoin’s existential crisis / what is it like to be a bitcoin ? https://medium.com/s/story/what-is-it-like-to-be-a-bitcoin-56109f3e6753, November 2018.
[20] Guix Contributors. Guix  bootstrapping. https://guix.gnu.org/manual/en/html_node/Bootstrapping.html, 2019.
[21] Daniel C Dennett and Douglas R Hofstadter. The mind’s I : fantasies and reflections on self and soul. Harvester Press, 1981.
[22] Jeff Desjardins. The rising speed of technological adoption. https://www.visualcapitalist.com/rising-speed-technological-adoption/, February
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[23] Peter Diamandis. Abundance : the future is better than you think. Free Press, New York, 2012.
[24] Dunny. I’ve learned more about finance, economics, technology, cryptography, human psychology, politics, game theory, legislation, and myself in the last three months of crypto than the last three and a half years of college. https://twitter.com/BitcoinDunny/status/935330541263519745, November 2017.
[25] epii. New bitcoin logo. https://bitcointalk.org/index.php?topic=4994.msg140770#msg140770, May 2011.
[26] Electronic Frontier Foundation. The crypto wars :governments working to undermine encryption. https://www.eff.org/files/2014/01/03/ cryptowarsonepagers-1_cac.pdf, 2018.
[27] Susannah Fox and Lee Rainie. How the internet has woven itself into american life. https://pewrsr.ch/32M7Qmg, February 2014.
[28] William Gibson. The science in science fiction. https://www.npr.org/2018/10/22/1067220/the-science-in-science-fiction, October 2018.
[29] Gigi. Bitcoin’s energy consumption – a shift in perspective. https://dergigi.com/2018/06/10/bitcoin-s-energy-consumption/, June 2018.
[30] Gigi. The magic dust of cryptography how digital information is changing our societybitcoin’s gravity. https://dergigi.com/2018/08/17/the-magic-dust-of-cryptography/, Aug 2018.
[31] Gregory Maxwell. Taproot : Privacy preserving switchable scripting. https://lists.linuxfoundation.org/pipermail/bitcoin-dev/2018January/015614.html, 2018.
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[33] Friedrich August Hayek. 1980s Unemployment and the Unions : Essays on the Impotent Price Structure of Britain and Monopoly in the Labour Market. Institute of Economic Affairs, 1984.
[34] Friedrich August Hayek. The Collected Works of F.A. Hayek, Volume 6, Good Money, Part II. Routledge, 1999.
[35] Henry Hazlitt. Economics in One Lesson. Ludwig von Mises Institute, https://mises.org/library/economics-one-lesson, 1946.
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[37] Eric Hughes. A cypherpunk’s manifesto. https://www.activism.net/cypherpunk/manifesto.html, March 1993.
[38] Guido Jörg Hülsmann. Ethics of Money Production. Ludwig von Mises Institute, https://mises.org/library/ethics-money-production, 2008.
[39] Robert Kiyosaki. Why the rich are getting richer. https://youtu.be/abMQhaMdQu0, July 2016.
[40] Kaspersky Lab. From festive fun to password panic : Managing money online this christmas. https://www.kaspersky.com/blog/money-report-2018/, 2018.
[41] Jameson Lopp. No one has found the bottom of the bitcoin rabbit hole. https://twitter.com/lopp/status/1061415918616698881, November 2018.
[42] Margo Rapport. History shows price of an ounce of gold equals price of a decent men’s suit, says sionna investment managers. https://www.businesswire.com/news/home/20110819005774/en/History-Shows-Price-Ounce-Gold-Equals-Price, 2011.
[43] Trace Mayer. The 7 network effects of bitcoin. https://www.thrivenotes.com/
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[44] Ralph C. Merkle. Daos, democracy and governance. https://alcor.org/cryonics/Cryonics2016-4.pdf#page=28, July-August 2016.
[45] Fiat Minimalist. Isn’t it ironic that bitcoin has taught me more about money than all these years i’ve spent working for financial institutions ? https://twitter.
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[46] The Austrian Mint. Gold : The extraordinary metal. https://www.muenzeoesterreich.at/eng/discover/for-investors/gold-the-extraordinary-metal, November 2017.
[47] British Museum. The origins of coinage. https: //www.britishmuseum.org/explore/themes/money/the_origins_of_coinage.aspx, 2007.
[48] Satoshi Nakamoto. Bitcoin : A peer-to-peer electronic cash system. October 2008.
[49] Satoshi Nakamoto. Re : Bitcoin p2p e-cash paper. https://www.metzdowd.com/pipermail/cryptography/2008-November/014832.html, November 2008.
[50] Satoshi Nakamoto. Bitcoin open source implementation of p2p currency. http://p2pfoundation.ning.com/forum/topics/bitcoin-open-source?commentId=2003008%3AComment%3A9562, February 2009.
[51] Satoshi Nakamoto. Bitcoin open source implementation of p2p currency. http://p2pfoundation.ning.com/forum/topics/bitcoin-open-source, February 2009.
[52] Satoshi Nakamoto. Re : Bitcoin open source implementation of p2p currency. http://p2pfoundation.ning.com/forum/topics/bitcoin-open-source, February 2009.
[53] Satoshi Nakamoto. Re : Questions about bitcoin. https://bitcointalk.org/index.php?topic=13.msg46#msg46, December 2009.
[54] Satoshi Nakamoto. Dealing with sha-256 collisions. https://bitcointalk.org/index.php?topic=191.msg1585#msg1585, June 2010.
[55] Satoshi Nakamoto. Re : 0.3 almost ready. https://bitcointalk.org/index.php?topic=199.msg1670#msg1670, June 2010.
[56] Satoshi Nakamoto. Re : Transactions and scripts : Dup hash160 … equalverify checksig. https://bitcointalk.org/index.php topic=195.msg1611#msg1611, June 2010.
[57] Ron Paul. End the Fed. Grand Central Publishing, http://endthefed.org/books/, 2009.
[58] Jordan Pearson. Inside the world of the bitcoin carnivores : Why a small community of bitcoin users is eating meat exclusively. https: //motherboard.vice.com/en_us/article/ne74nw/ inside-the-world-of-the-bitcoin-carnivores, September 2017.
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