L’Étalon-Fiat – Régime alimentaire fiat

Saifedean Ammous, Économiste,
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Auteur de l’Étalon Fiat et de l’Étalon Bitcoin
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Ce texte est extrait de L’Étalon-Fiat, ouvrage désormais très populaire parmi les bitcoiners (disponible notamment  ici) et suite logique du best-seller mondial L’Étalon-Bitcoin.

Ouvrage original : Saifedean Ammous, The Fiat Standard: The debt slavery alternative to human civilization
Traduction : Gary Sablon, Catherine Charbonneau, Henry J.K.I. Young, Edouard Gallego, Morgan Taglang, Laurent Waisman, David St-Onge, Konsensus Network. 

NB: Les illustrations et autres médias intégrés dans cet extrait ne figurent pas dans le texte original.

Régime alimentaire fiat

Le deuxième lien entre la nutrition et la politique monétaire concerne l’impact des directives diététiques du gouvernement. La montée en puissance de l’État moderne, qui joue le rôle de nounou auprès de ses citoyens et tente de leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour vivre leur vie, n’aurait pas été possible sous l’étalon-or, tout simplement puisque les gouvernements qui commencent à prendre des décisions centralisées pour des problèmes individuels causeraient rapidement plus de dommages économiques que de bien, et manqueraient rapidement de fonds pour continuer à financer leurs opérations. 

L’argent magique du gouvernement, en revanche, permet aux erreurs politiques de s’accumuler et de s’additionner de manière significative avant que la réalité économique ne se manifeste par la destruction de la monnaie, ce qui prend généralement beaucoup plus de temps. Ce n’est donc pas une coïncidence si les recommandations diététiques approuvées par le gouvernement ont vu le jour peu de temps après la création de la Réserve fédérale, qui a marqué le début de la transformation du gouvernement fédéral américain en une nounou à la main de fer. La première de ces directives, axée sur les enfants, a été publiée en 1916, et l’année suivante, une directive générale a été publiée.

Pour en savoir plus sur le processus de création de la FED : un podcast et une vidéo, deux facettes d’une même histoire extrêmement importante.

Les inconvénients des décisions économiques planifiées de manière centralisée ont été exposés en détail par Mises et l’école autrichienne, principalement dans le contexte économique, mais la logique est également applicable aux décisions nutritionnelles. Mises a expliqué que ce qui coordonne la production économique, et ce qui permet la division du travail, est la capacité des individus à effectuer des calculs économiques sur leurs propres biens. 

Lorsqu’un individu peut mesurer les coûts et les bénéfices des différentes actions qu’il pourrait entreprendre, en fonction de ses propres préférences, il est capable de décider de la solution la plus productive pour atteindre ses propres objectifs. En revanche, lorsque les décisions relatives à l’utilisation des ressources économiques sont prises par des personnes qui n’en sont pas propriétaires, il n’est pas possible de calculer avec précision les alternatives réelles et les coûts d’opportunité, notamment en fonction des préférences des individus qui utilisent et bénéficient des ressources.

Les êtres humains, comme tous les animaux, ont un instinct qui les pousse à se nourrir, facilement observable lorsque l’on voit un bébé s’approcher de la nourriture. Depuis des milliers d’années, les humains ont développé des traditions et des cultures autour de l’alimentation qui permettent aux gens de savoir quoi manger, et les individus peuvent faire leurs propres expériences et étudier le travail des autres pour décider de ce qu’ils doivent manger pour satisfaire leurs besoins. Mais au siècle des gouvernements omnipotents alimentés par la machine fiat, même la décision de ce qu’il faut manger est de plus en plus influencée par les décisions centralisées des gouvernements.

Est-ce que manger comme nos ancêtres pourrait améliorer notre santé ? Consultez cet étude du National Geographic !

Tout comme les planificateurs centraux économiques critiqués par Mises, les fonctionnaires qui prennent les décisions concernant les subventions alimentaires et les recommandations diététiques et médicales ne prennent pas ces décisions du point de vue de chaque individu qui mange dans le pays. Après tout, ce sont des employés dont la carrière est dépendante de la monnaie d’État qui paie leur salaire. Il est donc tout à fait naturel que des intérêts politiques et économiques influencent leurs décisions prétendument scientifiques. Trois forces motrices principales sont à l’origine des directives diététiques gouvernementales actuelles : 

  1. les gouvernements qui cherchent à promouvoir des substituts alimentaires industriels bon marché pour masquer les augmentations de prix des vrais aliments, 
  2. la renaissance d’un mouvement du XIXe siècle qui cherchait à réduire massivement la consommation de viande pour des raisons religieuses, et 
  3. les intérêts de l’agriculture industrielle qui souhaitent augmenter la demande pour leurs produits industriels à forte marge.

Dans The Great Inflation and Its Aftermath, Robert Samuelson raconte comment le président Lyndon Johnson a tenté désespérément de lutter contre la hausse des prix de nombreux biens économiques. Parmi les nombreuses idées farfelues et destructrices pour l’économie qu’il a eues, la plus frappante est celle du printemps 1966, quand il a demandé au directeur général des services de santé des États-Unis d’émettre un avertissement bidon contre la consommation d’œufs lorsque leur prix s’est envolé. En d’autres termes, Nixon a demandé à un bureaucrate de concocter une fausse alerte sanitaire autour d’un aliment parfaitement nutritif pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la science.

Les prix des chaussures augmentent? Lyndon Baines Johnson  (LBJ) impose un contrôle des exportations de peaux pour augmenter l’offre de cuir. Des rumeurs d’augmentation du prix des TV couleur ? LBJ fait en sorte que le fabricant RCA baisse ses prix. Le prix de l’agneau ? LBJ ordonne au ministre de la Défense d’en acheter moins cher en Nouvelle-Zélande…

Et lorsque le prix des œufs augmente au printemps 1966 et que le secrétaire à l’Agriculture lui explique qu’il n’y a pas grand-chose à faire, LBJ ordonne au Surgeon General de diffuser des alertes sur les dangers du cholestérol dans les œufs. 

Adaptation du récit de Joseph Califano, conseiller de LBJ, cité par Robert Samuelson dans « The Great Inflation and its Aftermath ». 

Pour des raisons théologiques qui dépassent le cadre de cet ouvrage, l’Église adventiste du septième jour mène depuis un siècle et demi une croisade morale contre la viande. Ellen G. White, l’une des fondatrices de l’église, a eu des « visions » concernant les méfaits de la consommation de la viande et a prêché sans fin contre celle-ci (tout en continuant à manger de la viande en secret, un phénomène très courant chez les militants). Il n’y a, bien sûr, rien de répréhensible à ce que des groupes religieux adoptent les régimes alimentaires qu’ils préfèrent, mais les problèmes surgissent lorsqu’ils cherchent à imposer ces visions aux autres.

Sous l’étalon-fiat, le système politique permet une influence énorme sur les politiques agricoles et alimentaires nationales. Les adventistes du septième jour sont généralement des membres influents de la société américaine, avec un poids politique important et de nombreuses personnes ayant réussi dans des positions de pouvoir et d’autorité.

Le SoyInfo Center proclame fièrement sur son site Internet :

Aucun groupe en Amérique n’a autant contribué au développement de l’utilisation des aliments à base de soja que les adventistes du septième jour, qui prônent un régime végétarien sain. Leur grande contribution a été apportée à la fois par des individus (comme le Dr J.H. Kellogg, le Dr Harry W. Miller, T.A. Van Gundy, Jethro Kloss, Dorothea Van Gundy Jones, Philip Chen) et par des entreprises productrices d’aliments à base de soja (dont La Sierra Foods, Madison Foods, Loma Linda Foods et Worthington Foods). Tous ces travaux peuvent être attribués à l’influence d’une femme remarquable, Ellen G. White.

Dans son livre « Conseils sur le régime et les aliments », Ellen White affirme que « ceux qui s’adonnent à la consommation de viande sèment des graines pour une récolte de douleur et de mort ». 

[…] On m’a révélé que la nourriture carnée tend à animaliser notre nature, à priver les hommes et les femmes de l’amour et de la sympathie qu’ils devraient éprouver pour tous, et à donner aux passions inférieures le contrôle des pouvoirs supérieurs de l’être. [Source]

Adepte du mouvement hygiéniste américain et prônant une approche holistique du bien-être, Kellogg inventa les céréales avec son frère, faisant de ce « petit-déjeuner américain » le porte-étendard de l’hygiène au 20e siècle.

Dans les années 1880, le petit-déjeuner de l’américain moyen était surtout composé de viande – froide, salée, frite… La préparation des céréales et de l’avoine prenait une éternité. Kellog pensait que le régime plus pur proposé par Cornflake aiderait à contrôler le désir sexuel des enfants. [Source]

Des céréales au petit déjeuner ? Qu’en pense Michael Saylor ?

Une autre membre de l’Église adventiste du septième jour, Lenna Cooper, est devenue l’une des fondatrices de l’American Dietetics Association (ADA), une organisation qui exerce toujours une influence considérable sur la politique alimentaire du gouvernement. L’ADA est chargée de délivrer des licences aux diététiciens en exercice. En d’autres termes, toute personne qui serait surprise à donner des conseils diététiques sans licence de l’ADA pourrait se retrouver en prison, ruinée, ou les deux. 

On ne saurait trop insister sur l’influence qu’a eue une politique aussi catastrophique : le gouvernement a accordé le monopole des conseils diététiques à des militants fanatiques dont les motivations religieuses étaient totalement déconnectées des besoins du corps humain et des traditions alimentaires de la planète entière. Le résultat a été la déformation complète de la compréhension de nombreuses générations quant aux aliments sains.

Pire encore, l’ADA est responsable de la rédaction des recommandations alimentaires enseignées dans la plupart des écoles de nutrition et de médecine du monde entier, ce qui signifie qu’elle façonne depuis près d’un siècle la manière dont les nutritionnistes, les médecins et les chefs cuisiniers conçoivent la nutrition. Les adultes américains désireux de suivre un régime alimentaire sain, par opposition au régime recommandé par les directives officielles approuvées par le gouvernement, sont libres d’ignorer les prescriptions des bureaucrates se faisant passer pour des scientifiques, même s’ils seront toujours influencés par les distorsions économiques. 

Les écoliers américains, en revanche, ne le sont pas. Dans les écoles gérées par le gouvernement des États-Unis, le respect des directives sanitaires est une obligation légale, et les cantines scolaires y adhèrent religieusement. En même temps, les politiciens ont confié aux écoles la responsabilité de nourrir les enfants non seulement au déjeuner, mais aussi au petit-déjeuner, au dîner et même pendant l’été. Des millions et des millions d’enfants américains sont contraints par le gouvernement de suivre un régime alimentaire imposé. Alors que les étatistes croient fièrement qu’ils luttent contre la pauvreté en demandant à l’État de fournir cette nourriture industrielle aux enfants, ils les appauvrissent en réalité sur le long terme en les exposant à des années de problèmes de santé à l’âge adulte. Pendant que les enfants américains en paient le prix avec leur propre santé, les producteurs de nourriture industrielle absorbent les profits financés par les contribuables.

Apercu de la page du site de l’ADA – eatright.org – consacrée aux aliments riches en protéines. Tofu et repas végétariens pour les enfants au programme ! [Source]

Le lecteur ne devrait pas être surpris que l’ADA, comme toutes les autres grandes institutions qui soutiennent le contrôle de l’économie et des citoyens par le gouvernement, ait été créée en 1917, à peu près en même temps que la Réserve fédérale. Une autre organisation, l’Adventist Health System, ou le Système de santé adventiste, est responsable de la production de décennies de « recherches » de mauvaise qualité que les partisans de l’agriculture industrielle et de la réduction de la consommation de viande utilisent pour imposer leurs visions religieuses à une espèce qui, de toute évidence, ne peut prospérer qu’en mangeant des protéines animales et des acides gras.

Le discours des militants anti-viande aurait pu être ignoré dans un monde sain, mais il fut très bien accueilli par le secteur de l’agriculture industrielle, qui pouvait produire à faible coût les récoltes destinées à remplacer la viande. C’était un mariage parfait entre ces deux groupes. L’agro-industrie profitait énormément de la production de ces cultures bon marché, les gouvernements bénéficiaient de la sous-estimation de l’ampleur de l’inflation à mesure que les citoyens remplaçaient de la viande nutritive par de la bouillie bon marché, et la croisade des adventistes contre la viande apportait le discours romantique qui ferait apparaître cet empoisonnement de masse comme un progrès spirituel pour l’humanité.

La convergence des intérêts autour de la promotion des produits de l’agriculture industrielle est un excellent exemple des « Bootleggers and Baptists » (contrebandiers et baptistes), un concept politique décrit par l’économiste Bruce Yandle. Alors que les prêtres baptistes prêchaient les méfaits de l’alcool et préparaient le public à accepter ces restrictions, ce sont les trafiquants d’alcool qui ont fait pression sur les politiciens et les ont financés pour imposer la prohibition, car les profits qu’ils tiraient de la vente d’alcool augmenteraient en fonction de la sévérité des restrictions imposées.

Dans de nombreuses questions de politique publique, ce schéma se répète : une croisade morale quasi religieuse et moralisatrice exige des politiques gouvernementales dont la conséquence la plus importante est de favoriser des groupes d’intérêts particuliers. Cette dynamique est auto-entretenue et auto-renforcée, et ne nécessite même pas de collusion entre les contrebandiers et les baptistes !

Avec l’inflation fiat qui entraîne à la fois l’augmentation du coût des aliments riches en nutriments ainsi que le pouvoir du gouvernement à s’immiscer dans les questions alimentaires, avec un groupe religieux qui tente de réquisitionner la politique alimentaire du gouvernement pour sa propre vision messianique anti-viande, et avec un complexe agro-industriel de plus en plus puissant capable de façonner la politique alimentaire du gouvernement, la fenêtre d’Overton en matière d’alimentation s’est décalée considérablement au cours du siècle dernier. Ce qui était considéré comme des aliments sains a été remplacé par une longue liste de produits industriels toxiques. Il est totalement inconcevable que la consommation de ces « aliments » eût été aussi populaire sans les distorsions générées par la monnaie fiat.

À la fin des années 1970, le gouvernement américain et la plupart de ses auxiliaires internationaux recommandaient la pyramide alimentaire moderne. Les céréales fortement subventionnées du complexe agro-industriel figurent en première position de cette pyramide, qui les présente comme la base du régime alimentaire et recommande d’en consommer de six à onze portions par jour. Cette pyramide alimentaire est une recette pour développer des maladies métaboliques comme l’obésité, le diabète ou une myriade d’autres problèmes de santé qui sont devenus de plus en plus courants au cours des dernières décennies, au point que la plupart des gens les considèrent comme normaux. La section suivante se concentre sur la liste des substances industrielles les plus nocives qui ont été commercialisées comme aliments par le système fiat, tandis que le chapitre suivant se penche sur le processus scientifique qui se cache derrière.

Où ces politiques alimentaires pourraient-elles bien nous mener ? 

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