Robert Breedlove
The « What is Money? » show podcast
Parallax Digital
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Le pouvoir de l'Église chute à zéro
L’univers des Grecs de l’Antiquité était fondé sur les principes philosophiques de Pythagore, d’Aristote et de Ptolémée. On trouve au cœur de leur conception du cosmos le précepte selon lequel il n’y a pas de vide, pas de néant, pas de zéro. Les Grecs, férus de géométrie et qui avaient hérité leur numération des Égyptiens, ne faisaient guère de distinction entre les formes et les nombres. Aujourd’hui encore, lorsque nous élevons un nombre au carré (x²), cela revient à transformer une ligne en carré et à en calculer la surface. Les pythagoriciens étaient mystifiés par ce lien entre formes et nombres, ce qui explique pourquoi ils ne concevaient pas le zéro comme un nombre : après tout, quelle forme pourrait représenter le néant ? Les Grecs de l’Antiquité pensaient que les nombres devaient être visibles pour être réels, alors que les Indiens de l’Antiquité percevaient les nombres comme une partie intrinsèque d’une réalité latente et invisible, distincte de la conception que l’homme s’en fait.
Le symbole du culte pythagoricien était le pentagramme (une étoile à cinq branches) ; cette forme sacrée renfermait la clé de leur vision de l’univers, le nombre d’or. Considéré comme le « plus beau nombre », il s’obtient en divisant un segment de telle sorte que le rapport entre la petite partie et la grande partie soit égal au rapport entre la grande partie et le tout. On jugea que cette proportionnalité était non seulement esthétique, mais aussi naturelle, omniprésente et mesurable dans toute une variété de formes allant des coquilles de nautile aux ananas en passant par la double hélice de l’ADN (comme on le découvrit des siècles plus tard). Une beauté aussi objectivement pure était perçue comme une fenêtre ouvrant sur la transcendance, une qualité apportant un soutien à l’âme. Le nombre d’or fut très largement utilisé dans l’art, la musique et l’architecture :
Une simple séquence de calculs converge vers le nombre d’or, « la beauté mesurée » que l’on retrouve abondamment dans la nature. La beauté de ce rapport influença significativement de nombreux domaines, dont l’architecture (comme l’illustre ici la conception du Parthénon).
On retrouva également le nombre d’or dans les harmoniques musicales : en pinçant un instrument à cordes à partir de ses segments spécifiés, les musiciens peuvent créer la quinte parfaite, une double résonance de notes considérée comme la relation musicale la plus évocatrice. Les tritons discordants, en revanche, étaient moqués comme le « diable dans la musique ». On considérait que cette harmonie musicale ne faisait qu’une avec celle des mathématiques et de l’univers – dans la vision finie pythagoricienne du cosmos (plus tard appelée modèle aristotélicien des sphères célestes), les mouvements des planètes et des autres corps célestes produisaient une « harmonie des sphères » symphonique – une musique céleste qui imprégnait les profondeurs du cosmos. D’après les pythagoriciens, « tout était nombre », ce qui signifie que l’univers était régit par des rapports. Le lien apparemment surnaturel du nombre d’or avec l’esthétique, la vie et l’univers est devenu un principe central de la civilisation occidentale et, plus tard, de l’Église catholique (à laquelle on se réfèrera ici par le terme « l’Église »).
Le zéro représentait une menace majeure pour la conception d’un univers fini. La division par zéro est dévastatrice pour le cadre de la logique et menace donc l’ordre parfait et l’intégrité de la vision pythagoricienne du monde. C’était un problème sérieux pour l’Église qui, après la chute de l’Empire romain, était devenue l’institution dominante en Europe. Pour asseoir sa domination sur le monde, l’Église se présentait comme la gardienne du paradis. Quiconque s’opposait à l’Église d’une quelconque façon pouvait se voir interdire à jamais le passage par ses portes sacrées. La revendication de souveraineté absolue de l’Église dépendait essentiellement du modèle pythagoricien, car l’institution suprême sur Terre – qui d’après eux était le centre de l’univers – devait nécessairement asseoir sa domination sur l’univers de Dieu. Symbole à la fois du vide et de l’infini, le zéro était une hérésie pour l’Église. Des siècles plus tard, une dynamique semblable allait s’exprimer avec la découverte de la rareté absolue de la monnaie, venant s’opposer à la domination de la Fed, cette église mensongère de la modernité.
Les Grecs de l’Antiquité s’accrochaient fermement à une vision du monde qui ne tolérait ni le zéro ni l’infini : le rejet de ces concepts cruciaux fut leur échec le plus marquant, car il empêcha la découverte du calcul – ces rouages mathématiques sur lesquels reposent une grande partie des sciences physiques et, par conséquent, du monde moderne. Au cœur de leur système de croyances (erroné) se trouvait le concept d’ « atome indivisible », la particule élémentaire qui ne pouvait être subdivisée à l’infini. Dans leur esprit, on ne pouvait pas aller au-delà de la micro barrière de la surface atomique. Dans le même ordre d’idées, ils considéraient l’univers comme un « atome macrocosmique » strictement délimité par une sphère extérieure d’étoiles se refermant comme un clin d’œil sur la Terre, le noyau cosmique. En haut comme en bas : étant admis que rien n’était conçu au-delà de cette sphère stellaire comme au-dessous de la surface atomique, il n’y avait ni infini ni vide :
Un univers fini et la Terre à son centre : tel était le principe central de la philosophie grecque antique qui plus tard devint un fondement de la domination institutionnelle de l’Église catholique sur le monde.
Aristote (puis Ptolémée et les perfectionnements qu’il apporta par la suite) allait interpréter cet univers fini de manière philosophique et, ce faisant, former le fondement idéologique de l’existence de Dieu et du pouvoir de l’Église sur la Terre. Dans la conception aristotélicienne de l’univers, la force qui meut les étoiles et entraîne le mouvement de tous les éléments inférieurs: c’est Dieu, le moteur principal. Cette cascade de forces cosmiques, depuis les cieux vers ici-bas dans les mouvements de l’humanité, était l’interprétation officielle de la volonté divine. Alors que le christianisme déferlait sur l’Occident, l’Église s’est appuyée sur le pouvoir explicatif de cette philosophie aristotélicienne pour prouver l’existence de Dieu dans ses efforts de prosélytisme. Toute objection à la doctrine aristotélicienne fut bientôt considérée comme une objection à l’existence de Dieu et au pouvoir de l’Église.
Inévitablement, l’infini fut considéré selon cette même logique aristotélicienne qui visait à le nier. Au XIIIe siècle, certains évêques commencèrent à convoquer des assemblées pour remettre en question les doctrines aristotéliciennes qui allaient à l’encontre de l’omnipotence de Dieu : par exemple, la notion selon laquelle « Dieu ne peut pas déplacer les cieux en ligne droite, car cela laisserait un vide ». Si les cieux se déplaçaient en ligne droite, que restait-il dans leur sillage ? A travers quelle substance se déplaçaient-ils ? Cela impliquait soit l’existence du vide, soit que Dieu n’était pas vraiment omnipotent puisqu’il ne pouvait pas déplacer les cieux. Soudain, la philosophie aristotélicienne commença à crouler sous son propre poids, fragilisant ainsi les principes du pouvoir de l’Église. Cette dernière resta agrippée à la perspective aristotélicienne pendant encore quelques siècles – combattant l’hérésie en interdisant certains livres et en brûlant vifs certains protestants – le chiffre zéro signala le début de la fin pour cette institution dominatrice et oppressive.
Un univers infini impliquait au minimum l’existence d’une multitude de planètes, parmi lesquelles beaucoup devaient avoir leur propre population et leur propres églises. La Terre n’étant plus le centre de l’univers, pourquoi donc l’Église devait-elle exercer une domination universelle ? Dans un bouleversement idéologique préfigurant l’invention du bitcoin des siècles plus tard, le chiffre zéro fut cette idée qui défit la mainmise de l’Église sur l’humanité, comme la rareté absolue de la monnaie brise l’emprise de la Fed sur le monde d’aujourd’hui. Nous voilà, hommes modernes, témoins de cette résonance historique qui voit la découverte du rien tout bouleverser.
Le zéro a été la pierre lisse projetée au visage de Goliath, un coup fatal porté à la suprématie de l’Église. Abattue par une idée imparable, cette institution oppressive est tombée en disgrâce faisant place à l’essor de l’État-nation, modèle institutionnel tout-puissant de l’ère moderne.
Le zéro : un fléau idéologique
Enraciné dans le dogme de l’Église, le christianisme a d’abord refusé d’accepter le zéro, car il était lié à une peur primitive du vide. Le lien inexorable du zéro avec le néant et le chaos en faisait un concept redoutable aux yeux de la plupart des chrétiens de l’époque. Mais la capacité du zéro à favoriser un système honnête de poids et mesures, un concept biblique fondamental, s’avéra un argument plus puissant que toutes les contre-mesures prises par l’Église. L’invention du zéro mena des siècles plus tard à la découverte du système de mesures le plus infaillible : Bitcoin, la monnaie la plus honnête jamais créée. Dans un monde fondé sur le commerce, les marchands avaient besoin du zéro pour son utilité arithmétique supérieure. Comme l’a si bien résumé Pierre-Simon Laplace [N.d.T. homme politique et scientifique français (1749-1827)]:
« …[le zéro est] une idée profonde et importante qui nous paraît aujourd’hui si simple que nous en ignorons le véritable mérite. Mais sa simplicité même et la grande facilité qu’il donne à tous les calculs placent notre arithmétique au premier rang des inventions utiles ».
Au XIIIe siècle, des universitaires comme le célèbre mathématicien italien Fibonacci commencèrent à défendre le zéro dans leurs travaux, crédibilisant ainsi le système de numération indo-arabe en Europe. Le commerce florissant générait des niveaux de richesse sans précédent dans le monde et l’usage des mathématiques évolua d’applications purement pratiques à des fonctions toujours plus abstraites. Alfred North Whitehead l’expliqua en ces termes :
« Le point à considérer concernant le zéro est que nous n’avons guère besoin de l’utiliser dans les opérations de la vie courant. Personne ne va acheter zéro poisson. C’est en quelque sorte le plus civilisé de tous les cardinaux, et son utilisation ne nous est imposée que par les besoins des modes de pensée cultivés. »
Alors que notre pensée gagnait en sophistication, nos exigences en matière de mathématiques augmentaient en proportion. Des outils, tels que le boulier constitué d’un ensemble de pierres coulissantes, nous permettaient de suivre les quantités et d’effectuer nos calculs. Le boulier était comme une calculatrice antique, et lorsque l’utilisation du zéro commença à se populariser en Europe, des compétitions furent organisées entre utilisateurs de boulier (les abacistes) et adeptes du nouveau système de numération indo-arabe (les algoristes) pour comparer leur rapidité à résoudre des calculs complexes. Avec de l’entraînement, les algoristes prenaient facilement l’ascendant sur les abacistes. De tels concours sonnèrent la fin de l’usage du boulier, mais ce dernier laissa une trace durable dans notre langue : les mots calcul et calcium proviennent tous du latin calculus qui signifie « cailloux ».
Compétition entre algoristes et abacistes : de tels concours apportèrent la preuve empirique de la suprématie du système de numération basé sur le zéro, y compris lorsque ses adversaires bénéficiaient d’outils mathématiques comme l’abaque/le boulier.
Avant l’apparition des chiffres indo-arabes, les personnes chargées de compter la monnaie devaient utiliser l’abaque, le boulier ou un tableau de comptage pour suivre les flux de valeurs. Les Allemands nommaient ce tableau de comptage « Rechenbank », d’où provient le nom de banque donné aux prêteurs d’argent. Les banques se servaient non seulement de planches à calculer, mais aussi de bâtons de comptage pour faire le suivi des activités de prêt : la valeur monétaire d’un prêt était inscrite sur le côté d’un bâton divisé en deux parties :
Ancien dispositif de suivi des prêts appelé tally stick (bâton de comptage) : le prêteur conservait la partie la plus grande – le stock – devenant ainsi « stockholder » de la banque ayant consenti le prêt.
Malgré son utilité supérieure pour les entreprises, les gouvernements méprisaient le zéro. En 1299, Florence interdit le système de numération indo-arabe. Comme beaucoup d’innovations de fond, le zéro se heurta à une vive résistance de la part de structures de pouvoir établies menacées par son existence. Dans l’illégalité, les marchands italiens continuèrent à utiliser le système numérique basé sur le zéro, l’utilisant même pour transmettre des messages cryptés. Le zéro était essentiel à ces premiers systèmes de chiffrement, ce qui explique pourquoi le mot « cypher », qui à l’origine désigne le « zéro », a fini par signifier « code secret ». L’importance du zéro dans les anciens systèmes de chiffrement est une autre facette de sa contribution à l’héritage ancestral de Bitcoin.
Au début de la Renaissance, la menace que le zéro allait bientôt représenter pour le pouvoir de l’Église n’était pas évidente. À cette époque, le zéro s’était rendu utile comme outil artistique permettant de créer le point de fuite : ce lieu perçant du néant infini utilisé dans de nombreuses peintures qui déclenchèrent la grande Renaissance dans les arts visuels. Les dessins et les peintures antérieurs au point de fuite semblent plats et sans vie : leur imagerie est essentiellement bidimensionnelle et irréaliste. Même les meilleurs artistes ne parvenaient pas à capturer le réalisme sans l’utilisation du zéro :
L’art de la pré-Renaissance : toujours mieux qu’une banane scotchée sur une toile.
Grâce au concept du zéro, les artistes pouvaient créer dans leurs œuvres un point de dimension zéro « infiniment éloigné » du spectateur, dans lequel tous les objets de la peinture s’effondraient visuellement. Au fur et à mesure que les objets semblent s’éloigner du spectateur, ils sont de plus en plus comprimés dans l’ « absence de dimension » du point de fuite, avant de disparaître. Tout comme aujourd’hui, l’art a exercé une forte influence sur la perception des gens. Nicolas de Cuse, cardinal de l’Église, a fini par déclarer : « Terra non est centra mundi », ce qui signifie « la Terre n’est pas le centre de l’univers ». Cette déclaration conduira plus tard Copernic à prouver l‘héliocentrisme, l’étincelle qui déclenchera la Réforme et, plus tard, le Siècle des Lumières
En ajoutant le point de fuite (une conception visuelle du zéro) aux dessins et aux peintures, l’art fit l’acquisition des qualités réalistes de profondeur, de largeur et de proportion spatiale.
Une idée dangereuse, hérétique et révolutionnaire avait été introduite par le zéro et son incarnation visuelle, le point de fuite. À ce point de distance infinie, le concept du zéro fut capturé visuellement et, comme le décrit Seife, l’espace devint infini :
« Ce n’est pas une coïncidence si le zéro et l’infini se retrouvent liés dans le point de fuite. Tout comme la multiplication par zéro entraîne l’effondrement de la ligne des nombres en un point, le point de fuite a fait en sorte que la majeure partie de l’univers se trouve dans un minuscule point. Il s’agit d’une singularité, un concept qui est devenu très important plus tard dans l’histoire de la science – mais à ce stade précoce, les mathématiciens n’en savaient guère plus que les artistes sur les propriétés du zéro. »
Le but de l’artiste est de mythifier le présent : c’est évident dans une bonne partie de l’ « art trash » consumériste produit dans notre monde actuel alimenté par la monnaie fiat. Les artistes de la Renaissance (qui souvent étaient aussi des mathématiciens, de véritables hommes de la Renaissance) travaillaient assidûment dans la poursuite de cet objectif, le point de fuite devenant un élément constitutif de l’art de plus en plus populaire, parallèlement à la prolifération du zéro dans le monde. En effet, l’art accéléra la pénétration du zéro dans la carte mentale de l’humanité.
L’ère moderne : l'âge des uns et des zéros
Finalement, le zéro est devenu la pierre angulaire du calcul : un système mathématique innovant qui permit aux gens de gérer des unités de plus en plus petites approchant zéro, mais qui évitait astucieusement le piège logique de devoir diviser par zéro. Avec ce nouveau système, l’humanité pu appréhender et comprendre son environnement de mille nouvelles façons. Diverses disciplines telles que la chimie, l’ingénierie et la physique dépendent toutes du calcul pour remplir leurs fonctions dans le monde d’aujourd’hui :
Le calcul nous permet de réaliser des arrangements symphoniques de la matière qui reflètent fidèlement notre imagination ; l’étude mathématique du changement permanent est fondamentale dans toutes les sciences physiques.
Le zéro est à l’origine de nombreuses percées technologiques, dont certaines ont abouti à l’invention la plus importante de l’histoire : Bitcoin. Le zéro a foré un orifice, créant un vide dans le cadre des mathématiques, pulvérisant la philosophie aristotélicienne, sur laquelle reposait le pouvoir de l’Église. Aujourd’hui, Bitcoin fait de même, perçant un orifice provoquant un vide dans le marché de la monnaie; il tue l’économie keynésienne, qui constitue le socle du pouvoir propagandiste de l’État-nation (avec la banque centrale, son appareil de vol).
Dans le monde moderne, le zéro est devenu un outil acclamé de notre arsenal mathématique. Alors que le système numérique binaire constitue aujourd’hui le fondement de la programmation informatique moderne, le zéro a été essentiel au développement d’outils numériques tels que l’ordinateur personnel, l’internet et Bitcoin. Étonnamment, tous les miracles modernes rendus possibles par les technologies numériques remontent à l’invention d’un chiffre pour le néant numérique par un ancien mathématicien indien : Brahmagupta fit un véritable dont gratuit au monde, un acte de générosité que Satoshi repliquerait plusieurs siècles plus tard. Comme le dit Aczel :
« Les nombres sont notre plus grande invention, et le zéro est la pierre angulaire de tout le système. »
Composé d’un nombre incalculable de zéros et de uns, le code binaire a conduit à la prolifération et à la normalisation des protocoles de communication, y compris ceux qui font partie de la suite de protocoles internet. En expérimentant librement avec ces nouveaux outils, les gens se sont organisés autour des protocoles les plus utiles tels que http, TCP/IP, etc. L’ossification des normes de communication numérique a fourni le substrat sur lequel de nouveaux services ont été construits pour la société : courrier électronique, covoiturage, informatique mobile… La dernière (et sans doute la plus importante) de ces innovations numériques est Bitcoin, une monnaie imparable, impossible à confisquer et dont l’offre est fixe.
Une idée fausse largement répandue à propos de Bitcoin est qu’il ne serait qu’une cryptomonnaie parmi ces milliers de crypto-actifs désormais en circulation. Ce malentendu se comprend et on peut le pardonner, car notre monde voit circuler de nombreuses monnaies nationales. Mais ces dernières ont toutes commencé comme simples récépissés d’entrepôt pour un même type de bien : du métal monétaire, et généralement de l’or. Aujourd’hui, les monnaies nationales ne sont plus échangeables contre de l’or et correspondent plutôt à des unités d’actions liquides dans un système pyramidal connu sous le nom de monnaie fiat. Il s’agit là d’un vol organisé par strates bâties au-dessus de l’or, cette monnaie librement choisie par les hommes, or que les banques centrales (les émetteurs de ces unités fiat) thésaurisent pour en manipuler le prix et protéger leurs monnaies fiat inférieures de toutes menaces concurrentielles, extrayant perpétuellement leur richesse à tous ceux situés au bas de la pyramide.
Du fait de cette confusion, beaucoup estiment à tort que Bitcoin pourrait être déstabilisé par n’importe lequel des milliers de crypto-actifs alternatifs en circulation aujourd’hui. Cela s’entend car les raisons qui rendent Bitcoin différent ne font pas partie du langage courant et sont relativement difficiles à comprendre. Même Ray Dalio, le plus grand gestionnaire de fonds spéculatifs de l’histoire, a déclaré qu’il pensait que Bitcoin pourrait être disrupté par un concurrent, tout comme l’iPhone a perturbé Blackberry. Cependant, il est fort improbable que Bitcoin soit impacté de la sorte : Bitcoin est en effet une invention unique soumise à l’effet de dépendance au sentier : cette percée essentielle qu’est la découverte de la rareté absolue est une propriété monétaire que l’humanité n’avait jamais atteinte auparavant et qu’elle ne répliquera plus jamais.
Comme l’invention du zéro, qui a conduit à la découverte du « rien comme quelque chose » en mathématiques et dans d’autres domaines, Bitcoin est le catalyseur d’un changement de phase paradigmatique mondial (que certains ont commencé à appeler le grand réveil). Ce que le chiffre est au nombre, et le zéro au vide pour les mathématiques, Bitcoin l’est à la rareté absolue pour la monnaie : chacun est un symbole qui permet à l’humanité d’appréhender une réalité latente (dans le cas de la monnaie, le temps). Plus qu’une nouvelle technologie monétaire, Bitcoin est un paradigme économique entièrement nouveau : un protocole monétaire de base sans compromis pour une économie mondiale, numérique et non étatique. Pour mieux saisir la profondeur de ce phénomène, il nous faut d’abord comprendre le phénomène de dépendance au sentier.