Réseaux stupides, innovation et festival des biens communs

Andreas Antonopoulos
Educateur Bitcoin, auteur
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@aantonop

Voici un autre extrait du livre best-seller L’Internet de l’argent Vol I (dispo notamment ici). Il s’agit de la transcription d’une conférence donnée par Andreas au sommet d’O’Reilly Radar à San Francisco en Californie le 27 janvier 2015. L’enregistrement vidéo de cette conférence est disponible ici.
NB: Les illustrations ne figurent pas dans le texte original. 

[…] Aujourd’hui, je voudrais vous parler des réseaux stupides. Je veux vous parler des réseaux intelligents. Je veux parler de la valeur de l’open source quand il rencontre la finance et je voudrais parler du festival des biens communs.

Réseaux intelligents vs réseaux stupides

[…] Bitcoin n’est pas un réseau intelligent. […] C’est un réseau stupide de traitement des transactions […] de vérification d’un langage chiffré très simple. Il n’offre pas une palette complète de services et produits financiers. Il ne dispose ni d’automatisation ni d’incroyables dispositifs intégrés. Bitcoin est un réseau stupide et c’est là l’un de ses atouts les plus importants. 

Quand vous créez un réseau, en créant son architecture système, l’une des choix les plus fondamentaux à faire est : faut-il créer un réseau stupide qui est compatible avec des appareils intelligents ou créer un réseau intelligent qui prend des appareils stupides ?

[…] Le réseau téléphonique était un réseau très intelligent. Le téléphone, en périphérie de ce réseau, était un appareil très stupide. Si vous aviez un téléphone à impulsion, ce truc contenait peut-être quatre composants électroniques. […] Tout ce que le réseau téléphonique pouvait produire se produisait dans le réseau. L’identification de l’appelant tout comme la fonction appel en attente étaient des fonctions réseau. […] à l’époque régnait la conviction que les réseaux intelligents étaient meilleurs parce qu’ils permettaient d’offrir ces services incroyables en améliorant seulement le réseau pour tout le monde. 

Il y a un petit désavantage aux réseaux intelligents. Ils doivent être mis à niveau depuis le centre et cela signifie que l’innovation se produit au centre, par le fait d’un intervenant et elle requiert une permission. 

« Ce truc [Le téléphone à impulsion] contenait peut-être quatre composants électroniques: […] un commutateur sur un câble avec un combiné au bout. […] c’était un appareil stupide ; sans intelligence. »

« Tout ce que le réseau téléphonique pouvait produire se produisait dans le réseau. L’identification de l’appelant tout comme la fonction appel en attente étaient des fonctions réseau. Et pour améliorer l’expérience utilisateur, il fallait faire évoluer le réseau sans besoin d’optimiser l’appareil. »

Assemblage d’un téléphone Bell (1947)

[…] L’Internet est un réseau stupide. Bête comme ses pieds. Tout ce qu’il sait faire c’est déplacer des données d’un point A à un point B. Il ne sait pas ce que sont ces données. Il ne peut pas faire la différence entre un appel Skype et une page Web. Il ne sait pas si l’appareil au bout est un ordinateur portable ou un téléphone portable, un aspirateur, un réfrigérateur ou une voiture. Il ne sait pas si cet appareil est puissant ou non. S’il est multimédia ou pas. Il ne sait pas, il n’en a rien à faire.

Pour faire tourner une nouvelle application ou innover sur un réseau stupide, tout ce que vous avez à faire c’est ajouter de l’innovation à sa périphérie. […] une application qui a cinq utilisateurs peut être implémentée dès que ces cinq utilisateurs mettent leurs appareils à niveau pour implémenter cette application.

[…] Bitcoin est un réseau stupide compatible avec des appareils vraiment intelligents […] Bitcoin pousse toute l’intelligence vers la périphérie du réseau. Il se fiche de savoir si l’adresse Bitcoin est celle d’un multimillionnaire, celle d’une banque centrale, d’un smart contract, d’un appareil ou l’adresse d’un être humain. Il ne sait pas. […]  Il se fiche de savoir si l’adresse est à Kuala Lumpur ou dans le centre-ville de New York. Il ne le sait pas, il s’en fiche. 

[…] La force de pousser l’intelligence vers la périphérie, de ne pas prendre de décisions au centre, met l’innovation entre les mains de ses utilisateurs finaux et donne à ces utilisateurs finaux la possibilité de créer des applications qui sont si pointues que seule une poignée de personnes à travers le monde en a besoin. Et ils peuvent créer ces applications sans demander la permission à quiconque. 

Tragédie des biens communs vs. festival des communs

Mais il y a autre chose de vraiment unique à propos de Bitcoin et c’est l’une des raisons pour lesquelles il survit et continue à gagner contre les réseaux centralisés, fermés, du passé, et c’est que Bitcoin est open source, avec des standards ouverts et un réseau ouvert. La tragédie des biens communs est un concept clé en économie. Quand vous avez une ressource commune qui peut être consommée sans limites par tous les participants jusqu’à ce que la ressource s’épuise et que le système entier s’effondre

[…] Bitcoin ne souffre pas de la tragédie des biens communs contrairement à la plupart des réseaux financiers. Je ne peux pas innover sur le réseau de quelqu’un d’autre. Quand Visa innove, seul Visa y gagne. Quand MasterCard innove, seul MasterCard y gagne.

[…] Bitcoin est une ressource commune dont la valeur augmente avec son utilisation, sans que quiconque ne soit exclu. Si une entreprise crée une nouvelle fonctionnalité qui peut être utilisée sur Bitcoin sous licence open source, cette fonctionnalité peut alors être utilisée par quiconque dans l’écosystème. Ça signifie que l’innovation enrichit chacun dans le réseau.

[…] Vous obtenez cette synergie formidable où chaque entreprise qui investit dans cette technologie formidable la rend meilleure pour tous les autres. Ce n’est pas un principe d’exclusion : au lieu d’une tragédie des biens communs vous avez un festival des biens communs. Un commun qui s’améliore quand plus d’entreprises l’utilisent.

[…] Pendant que les journalistes sont en train de rédiger encore un autre avis de décès de Bitcoin, je vois un écosystème d’ouverture. Je vois un écosystème qui crée des emplois dans une économie presque morte. Je vois un écosystème avec certaines des personnes les plus intelligentes que j’ai jamais rencontrées, faisant les innovations les plus extraordinaires.

[…] Prenez un écosystème ouvert, décentralisé avec un festival de biens communs – source ouverte, standards ouverts, réseau ouvert – avec l’intelligence et l’innovation repoussées vers la périphérie de sorte que les utilisateurs ont le contrôle de leurs innovations et de la manière dont ils investissent leur temps et leur argent dans cette technologie. Mettez ça face à un système fermé, contrôlé par un fournisseur central dont l’autorisation vous est requise pour innover et qui innovera uniquement dans l’exclusion et la compétition avec toutes les autres entreprises. Nous les écraserons.

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